mardi 11 octobre 2011

La « guerre contre le terrorisme » est une guerre asymétrique, en raison de la nature même du phénomène : c’est précisément parce que le terroriste ne dispose pas des moyens de confrontation classiques qu’il recourt au terrorisme. Cette asymétrie existait déjà à l’ère du partisan classique, ce qui suscitait la colère de Napoléon. Avec le terrorisme global, cette asymétrie se généralise à tous les niveaux. Asymétrie des acteurs : d’un côté des structures lourdes et des Etats, de l’autre des logiques fluides et des groupes transnationaux. Asymétrie des objectifs : les terroristes savent où et comment ils frapperont, leurs adversaires ne savent pas (ou ne savent qu’imparfaitement) ou et comment leur répondre. Asymétrie des moyens : le 11 septembre 2001, en l’espace de quelques minutes, les navires de guerre, les bombes atomiques, les F-16 et les missiles de croisière sont devenus obsolètes face à quelques dizaines de « fanatiques » munis de couteaux et de cutters. Réalisés avec des moyens dérisoires, les attentats de New York et de Washington ont fait vaciller l’Amérique et causé, directement ou indirectement, des dommages évalués à plus de 60 milliards de dollars.

Mais la principale asymétrie est d’ordre psychologique : un immense fossé sépare des hommes pour qui beaucoup de choses sont pires que la mort et un monde dans lequel la vie
individuelle, pur fait d’immanence, est regardée comme un bien que rien ne saurait surpasser. Les Occidentaux vivent aujourd’hui dans un monde « désenchanté » qui considère qu’aucun bien n’est supérieur à la vie. Au cours de l’histoire, ce sentiment a été l’exception plutôt que la règle. Percy Kemp parle ici très justement du « choix anthropocentriste qui fut fait, dès la Renaissance, de placer l’homme plutôt que Dieu au centre de l’univers et de substituer la peur de la mort à celle de l’enfer ». D’où l’asymétrie radicale existant entre des terroristes prêts à donner leur vie en supprimant la vie des autres, précisément parce qu’ils n’ont pas « peur de la mort », et ceux pour qui ce comportement est proprement « incompréhensible » car pour eux la vie vaut toujours plus que tout. C’est cette asymétrie qui tend, du côté des victimes, à faire décrire le terrorisme comme relevant d’un « nihilisme absurde » : la rationalité du monde occidental laïcisé le rend incapable de comprendre des motivations relevant d’une logique que ce même monde a pourtant connue dans le passé, à savoir qu’il est des causes, bonnes ou mauvaises bien entendu, qui valent la peine que l’on donne sa vie pour elles. Le refus de sacraliser la vie existante, l’absence de « peur devant la mort » ne peut relever, dans une telle optique, que d’un « fanatisme » assimilable à la folie criminelle. Entre ceux qui pensent à l’autre monde et ceux qui pensent à leur retraite, pas de commune mesure possible. Pour les terroristes, la mort est éventuellement une récompense. Face à ce désir de mort érigé en arme absolue, l’Occident est inévitablement désarmé."

Alain de Benoist

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