jeudi 5 mai 2011

NO SURRENDER

Comme le souligne un dicton, « les Irlandais ne savent pas ce qu'ils veulent et sont prêts à se battre jusqu'à la mort pour l'obtenir ». La politique irlandaise en général, et ce depuis des siècles, est un magma d'idées et d'opinions toutes plus diverses les unes que les autres. Le républicanisme n'échappe pas à la règle. Bien qu'il ait stimulé la lutte pour l'indépendance de l'Irlande, il demeure largement ouvert à l'interprétation. En réalité, les Irlandais sont des opportunistes politiques. Aussitôt une idée apparue, aussitôt essayée. Si elle vacille ou s'effondre, le mouvement qui la défendait se vide de ses partisans et implose à son tour.

C'est précisément ce qui a fait le succès du républicanisme : une idée simple sous laquelle il est toujours possible de se regrouper. C'est parce que le républicanisme est une idée générale qu'il est demeuré populaire. Le principe en est simple : un gouvernement irlandais pour les Irlandais, sur un territoire irlandais uni de trente-deux comtés. L'ensemble de l'île doit être dégagé de toute occupation britannique. La Couronne ne peut avoir autorité politique ou religieuse sur aucun comté de l'île. En ce sens, le républicanisme est un mouvement qui ne s'est pas encore accompli, puisque l'Irlande est séparée en deux États.

Affiche moderne du Sinn Féin
Le républicanisme est nationaliste. Le nationalisme, en revanche, n'est pas nécessairement républicain. N'oublions pas que les Protestants ont joué un rôle important dans la lutte pour l'indépendance aux dix-huit et dix-neuvième siècles. Ils n'étaient pas forcément tous de culture républicaine, certains ayant été élevés dans des familles de riches propriétaires terriens. Charles Stewart Parnell, « le Roi d'Irlande sans couronne », était anglican, cousin de l'aristocratie protestante irlandaise, et lié à la famille royale britannique ! Élu à Westminster, il fut cependant un anti-anglais constant et obstructionniste. Voilà bien la nuance : Charles Parnell était nationaliste, pas républicain. Il était protestant. Est-ce à dire que les républicains étaient catholiques ? Oui, parce qu'ils étaient de familles catholiques. Non, si l'on garde à l'esprit que certains républicains prônèrent un communisme agraire bien peu compatible avec les positions politiques de l'Église catholique irlandaise. Non, si l'on n'oublie pas que ceux qui versaient dans le terrorisme ou tuaient des civils se voyaient refuser la communion. Certains membres de l'IRA furent même excommuniés. Attention à la confusion, donc : les républicains ne revendiquent pas leur appartenance au catholicisme, même lorsqu'ils sont catholiques !

Au Nord, la confusion est fréquemment faite. On assimile les républicains aux catholiques et les unionistes aux Protestants. alors qu'ils  se revendiquent plus volontiers de politique que de religion. Cela étant, si les Protestants se revendiquent parfois d'unir religion et cause politique, c'est parce que l'État britannique est un État protestant ! Les républicains du Nord, en revanche, sont des nationalistes avant d'être des catholiques. 

Logo du Sinn Féin moderne
Cette simplicité politique et ce manque volontaire de contenu ont assuré à l'idée républicaine de demeurer présente sur la scène politique, même au plus bas de sa force électorale. À l'heure actuelle en Eire, en république d'Irlande, le républicanisme militant est au plus bas. Le seul parti qui s'en revendique encore pleinement et entièrement, le Sinn Fein, n'est populaire qu'au Nord, en territoire britannique. Au Sud cependant, tous les partis politiques s'en revendiquent héritiers, même s'ils ne le placent pas au centre de leurs programmes. Le républicanisme ne dirige plus la pensée politique. Il plane au-dessus d'elle comme l'Esprit qui souffle. C'est un héritage politique nationaliste dont on ne saurait se débarrasser, quand bien même on ne le partagerait pas entièrement. 



Clemenceau avait tort. Il n'y a pas, en politique, de mouvement historique ou d'idée qu'on doive accepter en bloc et sans nuance. Certaines idées politiques sont des forces invisibles, des courants océaniques qui régulent la vie. On ne peut faire sans, mais personne n'est tenu d'y adhérer en bloc. Il faut réapprendre les mouvements, dans leurs subtilités, pour s'approprier le destin d'un peuple. C'est seulement alors qu'apparaît un bien commun libéré des idéologies.

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