vendredi 25 février 2011

RAMIRO LEDESMA RAMOS ET LE NATIONAL-SYNDICALISME

Il est pour le moins malaisé de parler aujourd'hui du National-Syndicalisme et de son fondateur Ramiro Ledesma Ramos. Cela puisqu’aujourd'hui encore, plus de vingt années après la mort de Franco, les historiens officiels et les médias exempts de rigueur historique, continuent de relier de manière erronée mais souvent intentionelle le National-Syndicalisme avec le régime de Franco.

Depuis le 19 Avril 1937, date de la signature du Décret d'Unification par lequel Franco et Serrano Suner créèrent cet hybride dénommé Phalange Espagnole Traditionaliste et des Juntes d’Offensive Nationales-Syndicalistes, résonna dans la vie des espagnols la consigne « pour Dieu, l'Espagne et sa Révolution Nationale-Syndicaliste ». Et si certes il y en eu beaucoup pour Dieu, et beaucoup aussi pour « LEUR » Espagne, il n'y eut guère de Révolution Nationale-Syndicaliste. Le peuple espagnol vécut pendant près de 40 ans immergé dans l'esbrouffe Nationale-Syndicaliste sans rien percevoir de l'essence, de l'esprit et de l'idéologie National-Syndicaliste. Tout ce qui lui fut présenté comme tel fut falsifié par les éléments du régime franquiste : technocrates de l'Opus Dei, monarchistes et réactionnaires, sous la protection de l'Eglise Catholique et de l'Armée.

Entre-temps les authentiques Nationaux-Syndicalistes étaient condamnés au silence. Manuel Hedilla, second Chef National de la FEJONS, Ruiz Castillejos, de los Santos, Chamarro, étaient condamnés à mort. Félix Gomez et Angel Alcazar de Velasco, à la réclusion perpétuelle. D'autres, à plusieurs années d'emprisonnement ... Leur seul délit avait été de s'opposer au Décret d'Unification et à la falsification du National-Syndicalisme.

Certains Nationaux-Syndicalistes crurent qu’ils réussiraient à infléchir le cours du régime de l'intérieur du régime. D'autres, les plus décidés dans l'action et dans l'engagement, optèrent pour la lutte clandestine1, tandis que les autres acceptèrent l'Unification. Cette dernière attitude était compréhensible dans une organisation - la Phalange - qui vit déferler à elle lors de la guerre civile et de manière pléthorique toutes sortes d'éléments issus des partis droitiers réactionnaires, lesquels aspiraient à instrumentaliser le National-Syndicalisme comme un tremplin politique, autrement dit comme le garde-chiourme des intérêts de la bourgeoisie.

Il est certain que si Ramiro Ledesma Ramos eût été compris lorsqu'il avait dénonçé la collusion de la FEJONS avec la droite, et si José Antonio eût accepté les critiques de Ramiro et n'eût pas tant tardé à les comprendre2 le destin du National-Syndicalisme aurait à coup sûr été tout autre. L'un et l'autre furent assassinés par le Gouvernement du Front Populaire, mais l'un et l'autre furent également assassinés jour après jour, année après année, par le régime de Franco, puis après celui-ci par tous ceux qui avec leur chemise bleue et leur brillantine, firent de la crânerie, de la grossièreté et du droitisme pur et dur leur base d'action.

Si, comme nous l’avons déjà indiqué, lors de précédents écrits, le national-bolchevisme est à notre avis l'union harmonieuse entre les conceptions les plus radicales au niveau national et social, nous pouvons évidemment affirmer que Ramiro Ledesma Ramos était un National-Bolchevique. « Nous distinguons deux leviers : d'une part l'idée nationale, c'est-à-dire la Patrie en tant qu’entreprise historique et garantie d'existence historique de tous les Espagnols; d'autre part l'idée sociale, l'économie socialiste, comme garantie du pain de tous les jours et du bien-être économique de tout le peuple »3 affirmera clairement Ramiro.

Dès l’origine, Ramiro et ses « Comités [Juntas] d'offensive Nationale-Syndicaliste » (JONS) voudront attirer les travailleurs vers eux et vers la cause nationale, et les jonsistes décideront de « se doter d'une large base prolétaire ». Ce désir était le fidèle reflet de leur origine sociale : prolétaires, paysans et intellectuels radicaux, unis dans une même impétuosité révolutionnaire face à l'ordre bourgeois. Une des craintes constante de Ramiro, une de ses préoccupations les plus douloureuses, était qu'on ne confonde le jonsisme « avec une frivole et vaine occupation de senoritos ».

Avec les JONS naissait en Espagne, selon Ramiro, « un mouvement politique profondément enraciné dans la nation, et doté de grandes perspectives sociales, ou même mieux, socialistes »4. Ramiro perçoit très clairement quel est le rôle des droites et il n'hésite pas à les désigner comme un des pires maux qui tenaillent son peuple, tout comme il n'hésite pas à dénoncer le patriotisme chauvin, « depuis belle lurette nous savons à quoi nous en tenir quant au patriotisme droitiste, surtout en ce qui concerne celui des forces les plus directement cléricales et liées aux sacristies. Chaque jour est plus évidente en nous la conviction que la faiblesse nationale de l'Espagne est due en grande partie au patriotisme inopérant, faux et sans chaleur, incubé et orienté dans les secteurs droitistes, et qui jusqu'à présent a prévalu »5.

Pour Ramiro le destin de la collectivité va toujours de pair avec une juste distribution de la richesse, « La soumission de la richesse aux intérêts nationaux, c'est-à-dire à la vigueur de l'Espagne et à la prospérité du peuple »6. Les JONS utilisèrent toujours des slogans clairs au niveau social et économique : « Avec nous donc, les travailleurs ! Nationalisons les banques parasitaires; nationalisons les transports; empêchons l'action de la piraterie spéculatrice; exterminons les grands accaparateurs des biens »7. Le National-Syndicalisme jonsiste concevait très clairement quelles étaient les aspirations de base de la collectivité : « Les JONS demandent et veulent la nationalisation des transports, en tant que service public; le contrôle des spéculations financières des banques, comme garantie démocratique de l'économie populaire; la régulation de l'intérêt et des rentes que produit l'argent employé dans les exploitations d'utilité nationale; la démocratisation du crédit au bénéfice des syndicats. (...) L'abolition du chômage afin de faire du travail un droit de tous les Espagnols et de les garantir contre la faim et la misère; l'égalité face à l'Etat de tous les éléments intervenant dans la production (capital, travail et techniques) et une justice rigoureuse dans les organismes chargés de discipliner l'économie nationale; l'abolition des privilèges abusifs et l'instauration d'une administration de l'Etat qui soit au service de toutes les classes sociales espagnoles et qui les intègre toutes»8. Telles étaient les consignes des JONS. Quelqu'un peut-il douter de leur clarté et de leur esprit populaire et révolutionnaire? Ramiro adopte aussi un engagement révolutionnaire vis-à-vis de l'agriculture espagnole. Ses paroles sifflent comme des balles dirigées vers le capitalisme rural : « Paysans !, la terre est la nation. Le paysan qui la cultive a le droit d'en tirer profit. Le régime de propriété agraire en vigueur jusqu'à présent a été un vol perpétré par la Monarchie et ses hordes féodales. Paysans !, cent quarante sept grands propriétaires terriens possèdent plus d'un million d'hectares de terre. Or toute la terre est vôtre. Exigez sa nationalisation »12. Ces affirmations ébranleront les esprits bien pensants de la droite.

Ramiro, de même que d'autres penseurs Nationaux-Bolcheviques, n'hésite pas à critiquer le fascisme. Il affirme qu’« ... il a écrabouillé, de fait, les institutions politiques de la bourgeoisie et il a doté les prolétaires d'un moral nouveau et d'un optimisme politique... mais a-t-il pour autant traité de même ou ne serait-ce qu'affaibli les grandes forteresses du capitalisme financier, de la haute bourgeoisie industrielle et des propriétaires terriens au bénéfice de l'économie du peuple entier ? Et tend-il véritablement à rendre possible l'élimination du système capitaliste, consolidant chaque jour davantage les intérêts économiques des masses? »9. Avec de telles affirmations il est compréhensible et logique que Ramiro fusse tenu au silence et marginalisé par le régime de Franco, puisque comme chacun le sait celui-ci s'appuya, pour s'installer au pouvoir, précisément sur ces grandes forteresses du capital financier auxquelles fait référence Ramiro.

Pour Ramiro et ses JONS, étaient aussi totalement condamnables les fascismes d'opérette, « groupes sans dimension profonde, artificieux, qui importent le phénomène fasciste comme on importe un style de mode quelconque »10. Et il se montre dur, très dur, envers ces mouvements fascistes d'importation lorsqu'il affirme que: « Voilà l'Anglais Mosley, qui est Sir, multimillionnaire et extravagant. Voici Primo de Rivera, l'Espagnols qui est Marquis d'Estella, millionnaire et d'un raffinement exquis tout comme Starhemberg l'Autrichien, qui est prince, millionnaire et tout ce qui s'ensuit. Nous ne trouvons là que des mouvements mous, pâteux, cotonneux, bon chic bon genre, songeant à implanter un soi-disant Etat Corporatif ... Ils se caractérisent également par leur tendance notoire à méconnaître toute angoisse populaire, car ils sont issus de milieux sociaux privilégiés et sont liés à toutes les forces réactionnaires de la société »11.

« Vive le monde nouveau! Vive l'Espagne que nous ferons! ». Telles étaient les consignes et les slogans Jonsistes. Elles étaient sans aucun doute des proclamations nouvelles, des cris d'espérance, mais surtout, des cris révolutionnaires. Oui, de révolution, car ces hommes ne supportaient plus un monde pourri, plein d'injustices, d'exploités et d'exploiteurs, de riches chaque fois plus riches et de pauvres chaque fois plus pauvres. Une nécessité populaire et révolutionnaire s'imposait impérieusement : renverser l'ordre bourgeois. Les JONS luttaient à cette fin. Ramiro sut imprimer cet esprit parmi ses camarades, lesquels comprenaient la nécessité de prendre de l'écart vis-à-vis de la vulgarité bourgeoise et de rejeter tout le contexte poussiéreux et caduc qui s'y rattachait.

Ainsi la première tâche du National-Syndicalisme fut-elle « celle de cimenter deux ingrédients distincts : le national et le social, la Patrie et le Travail. Que personne ne pense que l'adoption du terme à la fois enchanteur et polémique de la révolution nationale-prolétaire, fusse oeuvre de tactique réfléchie et sournoise, mais bien, conséquence immédiate du vécu très profond de l'histoire de notre temps »12. Ces paroles de Pedro Lain Entralgo nous rapprochent à nouveau de l'aspiration jonsiste vers le social et le national.

Les Nationaux-Bolcheviques préféraient une alliance ou un rapprochement avec la Russie Soviétique, bien plutôt qu'avec les démocraties occidentales telles que la Grande-Bretagne, ce qui les différenciait clairement des objectifs poursuivis par Hitler. A ce sujet, nous recourons à nouveau à Pedro Lain Entralgo quand il affirme: « ainsi que s'en aperçut Ramiro Ledesma Ramos, avec sa vue d'aigle, le communisme soviétique se transforme de plus en plus en un national-communisme. Staline réalise le virage de la révolution mondiale prolétaire de Lénine à la révolution nationale russe »14. Ces paroles peuvent certes sembler déplacées, mais Ramiro à diverses occasions reprit de pareilles affirmations: « La Russie, avec son régime national-communiste, son moral guerrier, armée jusqu'aux dents, en train d'expérimenter de gigantesques subversions sociales, n'est plus certes le pays révolutionnaire qui chaque jour conspire pour la révolution mondiale » 15. Ou encore quand il affirme: « C'est l'efficacité étonnante de l'Etat soviétique qui offre au peuple russe, indiscutablement, la possibilité d'acquérir une auguste discipline nationale. A présent Staline assure son plan économique grâce au déchaînement de la fougue nationaliste russe »16. Mais Ramiro n'était absolument pas communiste, il nous l'explique lui-même: « Face au communisme, avec son poids de raisons et d'efficacités, nous situons une idée nationale, qu'il n'accepte pas et qui pour nous représente l'origine de toute entreprise humaine honorable. Cette idée nationale comprend une culture, des valeurs historiques en qui nous reconnaissons notre patrimoine supérieur »17.

RAMIRO : LA PHALANGE ET LA SCISSION

Le 13 Février 1934 était scellé l'accord de fusion entre les JONS de Ramiro et la FE de José Antonio.

Cette union ne se fit pas sans fortes discordances parmi les membres des JONS. En leur sein coexistaient deux attitudes, celle de s'opposer à cette union étant données la crainte et la méfiance envers les phalangistes considérés comme trop droitiers et celle d'accepter cet accord avec les phalangistes en estimant que les deux organisations s'en trouveraient renforcées et enrichies. La seconde option fut celle qui triompha. Cependant, apprenant la décision du Conseil jonsiste, son dirigeant galicien, l'ancien communiste Santiago Montero Diaz, envoya immédiatement une lettre de démission à Ramiro.

Ainsi donc, se concrétisait une fusion marquée par la dissidence. De fait personne ne pourra nier qu'au sein de la Phalange Espagnole existaient des noyaux fortement droitiers, très influents dans le mouvement. Il est tout aussi certain que des réticences à cette fusion existaient également au sein de la FE, en effet n'oublions pas qu'y coexistaient des monarchistes droitiers, à côté d'authentiques révolutionnaires. La principale préoccupation des phalangistes était l’accent mis sur les questions sociales par les jonsistes, et leur radicalité quant aux questions économiques, qui leur faisait redouter la prolétarisation de FE.

Il convient de rappeler ici qu'un des points de l’accord de fusion entre les JONS et la Phalange Espagnole était spécifié comme suit : « il est considéré indispensable que le nouveau mouvement insiste pour se forger une personnalité politique qui ne prête pas à confusion avec les groupes de droite »18.

Le 16 Février 1936, sortait le premier numéro de La Patrie Libre. Ramiro, avec d'autres anciens jonsistes s'étaient séparés de la Phalange Espagnole. Avec cette nouvelle publication ils voulaient revenir à la ligne politique antibourgeoise, Nationale-Syndicaliste révolutionnaire des premières JONS. Les défenseurs de la « vérité joséantonienne » n'hésitèrent pas et n'hésitent toujours pas à disqualifier Ramiro et à l'ensevelir sous les plus fallacieuses critiques. Il fut accusé d'être jaloux, il fut ridiculisé par José Antonio évoquant certains « gévolutionnaires » en allusion à la prononciation des « r » par Ramiro. Dans la plupart des livres sur le National-Syndicalisme écrits par des phalangistes, Ramiro est considéré comme un acteur secondaire du National-Syndicalisme, dont on perd tout à fait la trace après la scission - présentée par ces phalangistes comme une expulsion (sic) -.

Ainsi nous trouvons-nous avec des affirmations comme celle de Francisco Bravo: « Ramiro ne sut pas se comporter comme il faut ». Le franquiste Ximenez de Sandoval ajoute: « Ledesma croyait au concept erroné de la nécessité pour une Révolution Nationale de se doter d'une sorte de chef prolétaire ... de revendiquer un juste orgueil créateur »19. Cependant, s'il y en a un qui mérite un commentaire à part c'est bien Raimundo Femandez Cuesta, un des principaux coupables de la droitisation de la Phalange durant tant d'années, le principal valet de la Phalange franquiste, celui qui mit la Phalange coude à coude avec l'extrême-droite la plus réactionnaire au cours de la transition espagnole; il écrit dans une lettre datée du 9 Février 1942 ce qui suit: « L'épisode de l'expulsion (sic) de Ramiro a son origine dans la jalousie personnelle qu'il nourrissait à l'encontre de José Antonio, née peut-être des différences d'origine, de milieu et éducation. Il était l'expression dans la Phalange de la lutte des classes, qui en Espagne menaçait toutes les activités. Cela s'ajoutant à la difficile situation économique de Ramiro en faisait un outil facile pour les partis de droite, désireux de semer la zizanie dans nos rangs »20. En résumé, pour celui qui fut le troisième Chef National de la Phalange Espagnole, Ramiro, le fondateur et principal théoricien du National-Syndicalisme, n'était qu'un jaloux et un pauvre homme acheté par les partis de droite pour provoquer un désastre dans le mouvement phalangiste. Je ne suis pas sûr qu'il convienne d'analyser ces déclarations intempestives et péremptoires, car il serait difficile de le faire avec calme.

De nombreuses opinions existent quant à la scission de Ramiro, mais sans doute serait-il correct de lire ce que Ramiro lui-même affirma sur ce sujet: « Quiconque croirait que notre rupture avec FE n’obéissait qu’à un simple caprice et qu'elle était exempte de toute profondeur se trouve dans une grande erreur. Nous les jonsistes avons observé les contradictions, nous avons constaté avec clarté que l'heure était arrivée pour des changements radicaux dans l'orientation, la tactique et dans les dirigeants eux-mêmes, et vu que rien de cela ne pouvait survenir nous avons donné vie à nouveau aux JONS »21. Le fait est que Ramiro, Onesimo Redondo, Manuel Mateo et Alvarez de Sotomayor, se réunirent dans le café Fuyma pour commenter la situation de FEJONS. Lors de cette réunion Onesimo ainsi que Mateo insistèrent sur la nécessité de faire quelque chose, car la situation était devenue angoissante. Selon Martinez de Bedoya « José Antonio était entouré de senoritos fonctionnarisés, qui usaient jalousement de leurs prérogatives et s’attribuaient des salaires.» La décision des quatre réunis fut celle de se séparer de la Phalange Espagnole et de réorganiser les JONS. Mateo affirmait qu’il apporterait l'appui résolu de la CONS (NDLR : Centrale Ouvrière Nationale-Syndicaliste, le syndicat phalangiste) et Onesimo Redondo se prévalait du soutient de la fédération la plus importante de la Phalange, celle de Valladolid. Il est vrai qu'une fois que Ramiro, le plus réticent des quatre pour la séparation, eut été convaincu, seul Alvarez de Sotomayor réalisa ce qui fut décidé lors de cette réunion. En effet, Mateo retourna la veste pour être nommé (comme récompense ?) par José Antonio à la tête de la CONS, tandis qu'Onesimo Redondo lui aussi décidait de rester aux ordres de José Antonio, oubliant son accord avec Ramiro. Y eu-t-il là une stratégie des phalangistes pour éloigner de l'organisation Ramiro et ses plus fidèles collaborateurs ? Quoi qu'il en soit, rares furent ceux qui suivirent Ramiro - Martinez de Bedoya, Gutierrez Palma, Poblador - tandis que Montero Diaz reprenait la lutte aux côtés de Ramiro. Mais ce qui importait vraiment était que le drapeau du National-Syndicalisme flottait à nouveau.

Pendant un certain temps les affrontements verbaux et même physiques entre les gros bras de la FE et les partisans jonsistes de Ramiro furent constants. « Pas un seul jour ne survient sans que l'un ou l'autre des dirigeants des JONS ne soit provoqué dans la rue par l'un des dix ou douze voyous au service de Primo de Rivera », « les attaques lancées par les dirigeants phalangistes à l'encontre de ceux des JONS sont caractéristiques, avons-nous dit et répétons-nous, d'êtres répugnants, résiduels, qui vivent en dehors de toute substance morale et de toute ambition avouable »22. Ramiro ne voulut jamais riposter par les armes aux attaques phalangistes et quand il se vit obligé à le faire, il le fit par la plume dans les colonnes de La Patrie Libre.

Rainiro poursuivit son activité politique et ni les agressions subies par ses militants de la part des phalangistes, ni l'assaut de son siège social de la rue Amaniel à Madrid, ni les injures permanentes n'eurent d'effet sur lui comme sur ses camarades.

Il est nécessaire de remarquer, par ailleurs, que Ramiro ne fut jamais bien vu par les joséantonistes, et nous savons que cette affirmation mettra en colère les « puristes » de la Phalange. Ce qui est sûr c'est que sans Ramiro le National-Syndicalisme n'existerait pas, telle est la vérité. José Antonio aida à donner corps au National-Syndicalisme - essentiellement pendant les derniers mois de 1935 et jusqu’à son décès le 20 Novembre 1936 - mais sans les bases fournies par Ramiro la Phalange n'aurait jamais été qu'une vulgaire organisation d'extrême-droite.

Il serait injuste de refuser toute critique envers Ramiro, car il est certain que comme tout un chacun il put se tromper à certaines occasions. Mais lorsque ces critiques sont tendancieuses ou lorsque ces attaques envers lui ne montrent qu'une profonde ignorance de ses idées, cela, en plus d'être lamentable, est condamnable. Ainsi dans la revue Sindicalismo à laquelle collabora, entre autres, Sigfredo Hillers de Luque, paru dans l’article Bavardages de la Joyeuse Baleine un encadré portant le titre Le syndicalisme de Ramiro Ledesma Ramos, - cet article fut reproduit 28 ans après, sans aucune sorte de commentaire ou de correction dans le numéro 22 en mai-juin 1992 de la revue No Importa, organe de la Phalange Espagnole Indépendante (NDLR : un groupuscule phalangiste de stricte observance caractérisé par un catholicisme exacerbé), dans lequel il est dit ce qui suit: « Le National-Syndicalisme de Ramiro Ledesma et celui de José Antonio en 1935 n'ont que peu ou rien à voir entre eux ... La séparation de Ramiro de la Phalange, indépendamment des problèmes personnels (il y en eut) parfois invoqués pour expliquer cette séparation, fut due sans aucun doute à ce que José Antonio et Ramiro, même s'ils utilisaient les mêmes mots, ne voulaient pas la même chose ... Face à la progressive radicalisation fasciste de Ramiro, se trouvait la progressive radicalisation syndicaliste de José Antonio ». Il s’agit d’une opinion phalangiste exempte de toute crédibilité, y compris en ce qui concerne la fascisation de Ramiro, qui affirmait à l’époque de la scission : « Ils n'aspirent plus (les jonsistes), ni lui (Ramiro), ni ses camarades, à organiser, à quelque degré que ce soit, le fascisme. Ce qu'il pouvait y avoir de fascisme dans les anciennes JONS est repris aujourd'hui par Primo de Rivera, surtout lors de ses dernières actions de propagandes. Ceux-là (les Jonsistes) conçoivent leur mission tout autrement »23.

RAMIRO ET LES SYNDICALISTES DE LA CNT

Les écrits de Ramiro comportent constamment des commentaires et des remarques favorables à certains secteurs de la CNT (NDLR : Confédération Nationale des Travailleurs. Très important syndicat anarchiste espagnol). Ainsi dans le numéro 14 de La Conquête de l’Etat, une page entière fut consacrée au Congrès Extraordinaire de la CNT, page dans laquelle Ramiro écrivit : « Nous devons être aux côtés de la CNT en ces instants où s'établissent les rapports de force sociaux. Ainsi croyons-nous accomplir notre devoir d'artisans de la conscience et de la future et authentique culture d'Espagne ». Dans le numéro 11 de cette même publication fut aussi publié un dialogue entre Ramiro et Alvarez de Sotomayor, membre alors de la CNT qui rejoindra par la suite les JONS, dans lequel le dirigeant jonsiste affirme: « Les Syndicats Uniques de la CNT mobilisent les forces douées du plus brave et magnifique caractère révolutionnaire qui existe en Espagne. Soréliens à éducation antipacifiste et guerrière ... quand arrivera le moment de lever l'étendard des différences radicales, nous le ferons : mais entre temps nous les considérons comme camarades et en de nombreuses occasions nous tirerons à leurs côtés, soucieux de semer la désolation et la mort dans les rangs de la pâle médiocrité bourgeoise ».

Les dissidences et les scissions ne manquèrent pas à l'intérieur de la CNT. Elles furent provoquées en grande partie par les discordances entre les syndicalistes révolutionnaires et les communistes libertaires de la Fédération Anarchiste Ibérique. Cela facilita les contacts et rencontres avec des éléments du Parti Syndicaliste (NDLR : une scission de la CNT) d'Angel Pestana et avec des groupements locaux de cénétistes. Ramiro lança dans le numéro 3 de La Patrie Libre un appel « aux groupes dissidents de la CNT, au groupe des trente, au Parti Syndicaliste présidé par Angel Pestana, aux possibles secteurs marxistes qui ont appris la leçon d'Octobre, à Joaquin Maurin et ses camarades du Bloc Ouvrier et Paysan », il leur écrit : « Rompez toute amarre avec les illusions internationalistes, avec les illusions libérale-bourgeoises et avec le parlementarisme. Vous devez savoir qu'au fond, ce sont là les drapeaux des privilégiés, des grands propriétaires terriens et des banquiers. Car tous ces gens sont internationaux comme le sont leur argent et leurs négoces. Libéraux, car la liberté leur permet d'édifier féodalement leurs grands pouvoirs contre l'Etat National du Peuple. Parlementaristes parce que la machine électorale est dans leurs mains : la presse, la radio, les meetings et la propagande »24. Ce fut là un appel au FRONT UNI CONTRE LE SYSTEME, auquel répondirent de nombreux dirigeants et militants de base de la CNT et de partis d'extrême gauche, parmi lesquels, Guillen Salaya, Nicasio Alvarez de Sotomayor, Olalla, Pascual Llorente, Enrique Matorras, José Guerrero Fuensalida, Luis Ciudad ... entre autres. Tous comprirent les consignes jonsistes d'unir le national et le social. Ensemble ils levèrent l'étendard de la révolution prolétaire nationale.

RAMIRO ET L'EUROPE

Il ne serait en rien gratuit d'affirmer qu'aujourd'hui Ramiro serait un militant de la Nation Europe enthousiaste et convaincu. Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale il est apparu clairement que l'indépendance et l'autarcie des petits espaces nationaux est condamnée à l'échec, et que seul dans les grands espaces géopolitiques peut être articulée une alternative globale. Cela joint à l’origine culturelle commune des européens fait de l'Europe un « mythe mobilisateur ». Ramiro comprend parfaitement cela quand il s'interroge : « N'est-il pas temps que l'Espagne regarde et perçoive les horizons européens ? N'est-il pas d'ores et déjà indispensable que l'Espagne entre dans la réalité européenne ? Car c'est bien cela que nous voulons »25. Quelqu'un peut-il douter de la vocation européenne de Ramiro ? Je répète, aujourd'hui Ramiro serait un fervent militant européen, un euro-révolutionnaire, cela en dépit de tous les soit disants Nationaux-Syndicalistes actuels qui restent enfermés, en cette fin du XX° siècle, dans « LEUR » Espagne.

CONCLUSION

Nombreux sont les militants d'extrême-droite qui encensent et acclament Ramiro pour ses textes anticommunistes et patriotiques, mais ces mêmes éléments oublient ses proclamations socialistes et prolétariennes, ses critiques du nationalisme patriotard réactionnaire ou son profond sens de dépassement des vieilles idées caduques. Toute personne connaissant les propositions Nationales-Bolcheviques des années trente verra dans les idées et les paroles de Ramiro l'authentique expression espagnole de cette tendance. Et certes il est bien clair que pour les Jonsistes la conjugaison du social et du national signifiait l'union de volontés révolutionnaires procédant de la droite et de la gauche, anxieuses toutes de voir naître une nouvelle Espagne et une nouvelle conception de la communauté populaire.

Ce furent là sans aucun doute les premiers Nationaux-Bolcheviques et comme allait le dire Ramiro Ledesma Ramos lui-même à la fin de son génial Fascisme en Espagne ? , « autant à lui qu’à ses camarades, la chemise rouge de Garibaldi va mieux que la chemise noire de Mussolini »26.

Juan Antonio Llopart

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire