samedi 26 février 2011

MOURIR 20ANS AVANT OU 20ANS APRES
PEU IMPORTE, CE QUI COMPTE LE PLUS
C'EST DE BIEN MOURIR,A CE MOMENT LA SEUL
COMMENCE LA VIE.

MIKIS MANTAKAS-COMBATTANT EUROPEEN.

ANTICAPITALISTE ET IDENTITAIRE

“Le grand problème de la production capitaliste n’est plus de trouver des producteurs et de décupler leurs forces mais de découvrir des consommateurs, d’exciter leurs appétits et de leurs créer des besoins factices. ” Paul Lafargue Extrait de Le droit à la paresse.

La question se pose, peut’on être anticapitaliste lorsque l’on se situe a “l’extrême droite” de l’échiquier politique?
“Extrême-droite”, qui dans le cerveau lobotomisé de l’antifasciste moyen, est bien souvent assimilé à une force politique au service du grand capital. Et pourtant, d’Edouard Drumont à Charles Maurras, de Maurice Barrès à Jacques Doriot, l’anticapitalisme est de tradition au sein d’une “extrême droite” fort diverse.
Quand les catholiques sociaux, monarchistes dans l’âme, privilégient les moyens légaux pour convoiter le pouvoir ou se faire entendre, un républicain comme Déroulède, le sanguin et chauvinisme meneur de la ligue des patriotes, préfère s’appuyer sur la rue. Les deux courants ne partagent pas la même logique. Lorsque René de la tour du Pin, critiquant le monde capitaliste, fustige “une ploutocratie née du libre jeu des institutions et des mœurs, et qui ne peut que s’accroître parce qu’elle est la conséquence d’un système, celui-là même de la Révolution, qui crut affranchir l’homme et n’affranchit que le capital”, son analyse ressemble trait pour trait à celle d’un Drumont. Pourtant si l’auteur reconnaît en Albert de Mun, principal représentant à la chambre du catholicisme social, “une figure qui fait honneur non seulement à un parti, à une cause, mais au pays tout entier”, il n’en regrette pas moins que l’ancien officier de cavalerie n’ait pas profité de son prestige pour “former une ligue prête à profiter de toutes les circonstances”.
Le nationalisme de tradition anticapitaliste est donc traversé par deux courants bien distincts, l’un se référent à une conception traditionnelle et monarchiste de la société, le second élabore une stratégie politique populiste, pour tout dire républicaine et démocrate, au vrai sens du terme. Un Maurice Barrès ne se ralliera jamais à la monarchie, revendiquera toujours l’héritage révolutionnaire. Subissant les deux influences, Drumont datera de 1789 le début de la décadence, mais attendra toujours l’homme providentiel, le condottiere capable de forcer le destin. Le clivage entre ces deux tendances est important: il ne disparaîtra pas.
Les deux tendances pourront cohabiter: elles ne se rejoindront jamais tout à fait. On respecte les uns, on étudie les autres…Même lorsque le royalisme descendra dans la rue et visera à renverser le régime “par tout les moyens même légaux”, au temps des camelots du roi, la fracture s’accusera plus nette encore qu’au début du siècle, entre héritiers de la révolution et contre-révolutionnaires. Drieu La Rochelle avertira: “la réaction croit que les révolutions sont inutiles. Nous croyons joyeusement qu’elles sont nécessaires. La réaction s’oppose à de nouvelles révolutions, du moins qui prolongeraient pour quelque coté les précédentes. Nous les voyons en marche et nous nous en réjouissons.”

Les divergences sont moins tranchées qu’il n’y paraît. Autour du général Boulanger, idole des ligues financées par les salons, se dessine une première synthèse, qui se résume bien au sein de l’équipe de la cocarde, fondée par Barrès et à laquelle collaborent blanquistes, royalistes, et républicain nationaux. Les blanquistes, il est vrai, ont hérité du jacobinisme un fort sentiment patriotique qui peut, à cette époque, les rapprocher des nationalistes qui se réclament aussi volontiers à l’instar de Barrès, du socialisme. Cette dernière étiquette est ambiguë. Charles Maurras et le courant traditionaliste ne considère pas que le socialisme suppose obligatoirement “la destruction et le partage de la propriété privée”.
Comme l’écrit l’historien israélien Zeev Sternhell, “Les solutions marxistes ou marxisantes sont finalement de peu de poids dans le socialisme national des années 80. C’est encore sur la solidarité «capital-travail» que l’on compte pour résoudre la question sociale: en fait, on croit plus, à la participation des ouvriers à des sociétés par action qui ne sont pas autre chose que le moyen indirect de morcellement de l’usine”. La distinction entre gauche et droite ne signifie parfois plus grand chose. Nombre de personnalité de la gauche révolutionnaire se laissent tenter, par un nationalisme qu’ils influencent en retour, c’est le cas d’un Rochefort, d’un Sorel, d’un Valois comme cela sera plus tard celui des chefs du fascisme.
L’évolution du socialisme, qui glissant vers la démocratie libérale en vient à “se poser comme le plus solide gardien des libertés bourgeoises”, note toujours Sternhell, encourage ce passage à la droite nationaliste. C’est ainsi que ” ces transfuges finiront par abandonner tout ce en quoi ils avaient cru; tout, sauf la volonté de casser coûte que coûte, la démocratie libérale”. Sternhell exagère sur bien des points, l’anticapitalisme des nationalistes ressemble a celui de l’ultra-gauche. Qu’on écoute plutôt Déroulède, tonnant à la chambre pour demander l’amnistie des grévistes “la solidarité des travailleurs augmente de jour en jour: ils se comptent et ils vous comptent, et, faute par vous de vous montrer pitoyables et bons, faute d’avoir été équitables et prévoyants, vous serez réveillés quelques beau matin par un déchaînement cent fois plus violent que celui de 1793, plus terrible et plus juste aussi”.
Bientôt au contraire vont s’imposer à gauche les thèses marxistes, qui drainent deux idées inacceptables pour l’extrême droite: d’une part la lutte des classes d’autre part la collectivisation. Les nationalistes, au contraire, pourraient faire leur le programme du mouvement jaune de Biétry: “Réaliser la renaissance nationale en créant la réconciliation des classes sur un programme de justice sociale”. Face au péril, la meilleure solution à la question sociale reste bien le corporatisme. Mais au lieu d’être l’organisme libre que conçoivent les héritiers des catholiques sociaux, maurrasiens ou Croix De Feu, la corporation devient une courroie de transmission d’un état absolu. Si la tradition réunit dans la critique du système les nationalismes, leurs propositions de rechange communautaires pour les uns, étatiques pour les autres, différent grandement. Dans leur diversité, elles restent actuellement cultivées, parfois réactualisées, au sein des divers groupes nationalistes.
Néanmoins pour répondre à la barbarie de l’état capitaliste il est important que le nationalisme de demain se rattache directement à cette mise en accusation du système pour réactualiser une critique du capitalisme. Participant de cette manière par son recrutement et ses thèmes de campagne a la longue tradition populaire et anticapitaliste du nationalisme.

Source: DEVENIR.

vendredi 25 février 2011

RAMIRO LEDESMA RAMOS ET LE NATIONAL-SYNDICALISME

Il est pour le moins malaisé de parler aujourd'hui du National-Syndicalisme et de son fondateur Ramiro Ledesma Ramos. Cela puisqu’aujourd'hui encore, plus de vingt années après la mort de Franco, les historiens officiels et les médias exempts de rigueur historique, continuent de relier de manière erronée mais souvent intentionelle le National-Syndicalisme avec le régime de Franco.

Depuis le 19 Avril 1937, date de la signature du Décret d'Unification par lequel Franco et Serrano Suner créèrent cet hybride dénommé Phalange Espagnole Traditionaliste et des Juntes d’Offensive Nationales-Syndicalistes, résonna dans la vie des espagnols la consigne « pour Dieu, l'Espagne et sa Révolution Nationale-Syndicaliste ». Et si certes il y en eu beaucoup pour Dieu, et beaucoup aussi pour « LEUR » Espagne, il n'y eut guère de Révolution Nationale-Syndicaliste. Le peuple espagnol vécut pendant près de 40 ans immergé dans l'esbrouffe Nationale-Syndicaliste sans rien percevoir de l'essence, de l'esprit et de l'idéologie National-Syndicaliste. Tout ce qui lui fut présenté comme tel fut falsifié par les éléments du régime franquiste : technocrates de l'Opus Dei, monarchistes et réactionnaires, sous la protection de l'Eglise Catholique et de l'Armée.

Entre-temps les authentiques Nationaux-Syndicalistes étaient condamnés au silence. Manuel Hedilla, second Chef National de la FEJONS, Ruiz Castillejos, de los Santos, Chamarro, étaient condamnés à mort. Félix Gomez et Angel Alcazar de Velasco, à la réclusion perpétuelle. D'autres, à plusieurs années d'emprisonnement ... Leur seul délit avait été de s'opposer au Décret d'Unification et à la falsification du National-Syndicalisme.

Certains Nationaux-Syndicalistes crurent qu’ils réussiraient à infléchir le cours du régime de l'intérieur du régime. D'autres, les plus décidés dans l'action et dans l'engagement, optèrent pour la lutte clandestine1, tandis que les autres acceptèrent l'Unification. Cette dernière attitude était compréhensible dans une organisation - la Phalange - qui vit déferler à elle lors de la guerre civile et de manière pléthorique toutes sortes d'éléments issus des partis droitiers réactionnaires, lesquels aspiraient à instrumentaliser le National-Syndicalisme comme un tremplin politique, autrement dit comme le garde-chiourme des intérêts de la bourgeoisie.

Il est certain que si Ramiro Ledesma Ramos eût été compris lorsqu'il avait dénonçé la collusion de la FEJONS avec la droite, et si José Antonio eût accepté les critiques de Ramiro et n'eût pas tant tardé à les comprendre2 le destin du National-Syndicalisme aurait à coup sûr été tout autre. L'un et l'autre furent assassinés par le Gouvernement du Front Populaire, mais l'un et l'autre furent également assassinés jour après jour, année après année, par le régime de Franco, puis après celui-ci par tous ceux qui avec leur chemise bleue et leur brillantine, firent de la crânerie, de la grossièreté et du droitisme pur et dur leur base d'action.

Si, comme nous l’avons déjà indiqué, lors de précédents écrits, le national-bolchevisme est à notre avis l'union harmonieuse entre les conceptions les plus radicales au niveau national et social, nous pouvons évidemment affirmer que Ramiro Ledesma Ramos était un National-Bolchevique. « Nous distinguons deux leviers : d'une part l'idée nationale, c'est-à-dire la Patrie en tant qu’entreprise historique et garantie d'existence historique de tous les Espagnols; d'autre part l'idée sociale, l'économie socialiste, comme garantie du pain de tous les jours et du bien-être économique de tout le peuple »3 affirmera clairement Ramiro.

Dès l’origine, Ramiro et ses « Comités [Juntas] d'offensive Nationale-Syndicaliste » (JONS) voudront attirer les travailleurs vers eux et vers la cause nationale, et les jonsistes décideront de « se doter d'une large base prolétaire ». Ce désir était le fidèle reflet de leur origine sociale : prolétaires, paysans et intellectuels radicaux, unis dans une même impétuosité révolutionnaire face à l'ordre bourgeois. Une des craintes constante de Ramiro, une de ses préoccupations les plus douloureuses, était qu'on ne confonde le jonsisme « avec une frivole et vaine occupation de senoritos ».

Avec les JONS naissait en Espagne, selon Ramiro, « un mouvement politique profondément enraciné dans la nation, et doté de grandes perspectives sociales, ou même mieux, socialistes »4. Ramiro perçoit très clairement quel est le rôle des droites et il n'hésite pas à les désigner comme un des pires maux qui tenaillent son peuple, tout comme il n'hésite pas à dénoncer le patriotisme chauvin, « depuis belle lurette nous savons à quoi nous en tenir quant au patriotisme droitiste, surtout en ce qui concerne celui des forces les plus directement cléricales et liées aux sacristies. Chaque jour est plus évidente en nous la conviction que la faiblesse nationale de l'Espagne est due en grande partie au patriotisme inopérant, faux et sans chaleur, incubé et orienté dans les secteurs droitistes, et qui jusqu'à présent a prévalu »5.

Pour Ramiro le destin de la collectivité va toujours de pair avec une juste distribution de la richesse, « La soumission de la richesse aux intérêts nationaux, c'est-à-dire à la vigueur de l'Espagne et à la prospérité du peuple »6. Les JONS utilisèrent toujours des slogans clairs au niveau social et économique : « Avec nous donc, les travailleurs ! Nationalisons les banques parasitaires; nationalisons les transports; empêchons l'action de la piraterie spéculatrice; exterminons les grands accaparateurs des biens »7. Le National-Syndicalisme jonsiste concevait très clairement quelles étaient les aspirations de base de la collectivité : « Les JONS demandent et veulent la nationalisation des transports, en tant que service public; le contrôle des spéculations financières des banques, comme garantie démocratique de l'économie populaire; la régulation de l'intérêt et des rentes que produit l'argent employé dans les exploitations d'utilité nationale; la démocratisation du crédit au bénéfice des syndicats. (...) L'abolition du chômage afin de faire du travail un droit de tous les Espagnols et de les garantir contre la faim et la misère; l'égalité face à l'Etat de tous les éléments intervenant dans la production (capital, travail et techniques) et une justice rigoureuse dans les organismes chargés de discipliner l'économie nationale; l'abolition des privilèges abusifs et l'instauration d'une administration de l'Etat qui soit au service de toutes les classes sociales espagnoles et qui les intègre toutes»8. Telles étaient les consignes des JONS. Quelqu'un peut-il douter de leur clarté et de leur esprit populaire et révolutionnaire? Ramiro adopte aussi un engagement révolutionnaire vis-à-vis de l'agriculture espagnole. Ses paroles sifflent comme des balles dirigées vers le capitalisme rural : « Paysans !, la terre est la nation. Le paysan qui la cultive a le droit d'en tirer profit. Le régime de propriété agraire en vigueur jusqu'à présent a été un vol perpétré par la Monarchie et ses hordes féodales. Paysans !, cent quarante sept grands propriétaires terriens possèdent plus d'un million d'hectares de terre. Or toute la terre est vôtre. Exigez sa nationalisation »12. Ces affirmations ébranleront les esprits bien pensants de la droite.

Ramiro, de même que d'autres penseurs Nationaux-Bolcheviques, n'hésite pas à critiquer le fascisme. Il affirme qu’« ... il a écrabouillé, de fait, les institutions politiques de la bourgeoisie et il a doté les prolétaires d'un moral nouveau et d'un optimisme politique... mais a-t-il pour autant traité de même ou ne serait-ce qu'affaibli les grandes forteresses du capitalisme financier, de la haute bourgeoisie industrielle et des propriétaires terriens au bénéfice de l'économie du peuple entier ? Et tend-il véritablement à rendre possible l'élimination du système capitaliste, consolidant chaque jour davantage les intérêts économiques des masses? »9. Avec de telles affirmations il est compréhensible et logique que Ramiro fusse tenu au silence et marginalisé par le régime de Franco, puisque comme chacun le sait celui-ci s'appuya, pour s'installer au pouvoir, précisément sur ces grandes forteresses du capital financier auxquelles fait référence Ramiro.

Pour Ramiro et ses JONS, étaient aussi totalement condamnables les fascismes d'opérette, « groupes sans dimension profonde, artificieux, qui importent le phénomène fasciste comme on importe un style de mode quelconque »10. Et il se montre dur, très dur, envers ces mouvements fascistes d'importation lorsqu'il affirme que: « Voilà l'Anglais Mosley, qui est Sir, multimillionnaire et extravagant. Voici Primo de Rivera, l'Espagnols qui est Marquis d'Estella, millionnaire et d'un raffinement exquis tout comme Starhemberg l'Autrichien, qui est prince, millionnaire et tout ce qui s'ensuit. Nous ne trouvons là que des mouvements mous, pâteux, cotonneux, bon chic bon genre, songeant à implanter un soi-disant Etat Corporatif ... Ils se caractérisent également par leur tendance notoire à méconnaître toute angoisse populaire, car ils sont issus de milieux sociaux privilégiés et sont liés à toutes les forces réactionnaires de la société »11.

« Vive le monde nouveau! Vive l'Espagne que nous ferons! ». Telles étaient les consignes et les slogans Jonsistes. Elles étaient sans aucun doute des proclamations nouvelles, des cris d'espérance, mais surtout, des cris révolutionnaires. Oui, de révolution, car ces hommes ne supportaient plus un monde pourri, plein d'injustices, d'exploités et d'exploiteurs, de riches chaque fois plus riches et de pauvres chaque fois plus pauvres. Une nécessité populaire et révolutionnaire s'imposait impérieusement : renverser l'ordre bourgeois. Les JONS luttaient à cette fin. Ramiro sut imprimer cet esprit parmi ses camarades, lesquels comprenaient la nécessité de prendre de l'écart vis-à-vis de la vulgarité bourgeoise et de rejeter tout le contexte poussiéreux et caduc qui s'y rattachait.

Ainsi la première tâche du National-Syndicalisme fut-elle « celle de cimenter deux ingrédients distincts : le national et le social, la Patrie et le Travail. Que personne ne pense que l'adoption du terme à la fois enchanteur et polémique de la révolution nationale-prolétaire, fusse oeuvre de tactique réfléchie et sournoise, mais bien, conséquence immédiate du vécu très profond de l'histoire de notre temps »12. Ces paroles de Pedro Lain Entralgo nous rapprochent à nouveau de l'aspiration jonsiste vers le social et le national.

Les Nationaux-Bolcheviques préféraient une alliance ou un rapprochement avec la Russie Soviétique, bien plutôt qu'avec les démocraties occidentales telles que la Grande-Bretagne, ce qui les différenciait clairement des objectifs poursuivis par Hitler. A ce sujet, nous recourons à nouveau à Pedro Lain Entralgo quand il affirme: « ainsi que s'en aperçut Ramiro Ledesma Ramos, avec sa vue d'aigle, le communisme soviétique se transforme de plus en plus en un national-communisme. Staline réalise le virage de la révolution mondiale prolétaire de Lénine à la révolution nationale russe »14. Ces paroles peuvent certes sembler déplacées, mais Ramiro à diverses occasions reprit de pareilles affirmations: « La Russie, avec son régime national-communiste, son moral guerrier, armée jusqu'aux dents, en train d'expérimenter de gigantesques subversions sociales, n'est plus certes le pays révolutionnaire qui chaque jour conspire pour la révolution mondiale » 15. Ou encore quand il affirme: « C'est l'efficacité étonnante de l'Etat soviétique qui offre au peuple russe, indiscutablement, la possibilité d'acquérir une auguste discipline nationale. A présent Staline assure son plan économique grâce au déchaînement de la fougue nationaliste russe »16. Mais Ramiro n'était absolument pas communiste, il nous l'explique lui-même: « Face au communisme, avec son poids de raisons et d'efficacités, nous situons une idée nationale, qu'il n'accepte pas et qui pour nous représente l'origine de toute entreprise humaine honorable. Cette idée nationale comprend une culture, des valeurs historiques en qui nous reconnaissons notre patrimoine supérieur »17.

RAMIRO : LA PHALANGE ET LA SCISSION

Le 13 Février 1934 était scellé l'accord de fusion entre les JONS de Ramiro et la FE de José Antonio.

Cette union ne se fit pas sans fortes discordances parmi les membres des JONS. En leur sein coexistaient deux attitudes, celle de s'opposer à cette union étant données la crainte et la méfiance envers les phalangistes considérés comme trop droitiers et celle d'accepter cet accord avec les phalangistes en estimant que les deux organisations s'en trouveraient renforcées et enrichies. La seconde option fut celle qui triompha. Cependant, apprenant la décision du Conseil jonsiste, son dirigeant galicien, l'ancien communiste Santiago Montero Diaz, envoya immédiatement une lettre de démission à Ramiro.

Ainsi donc, se concrétisait une fusion marquée par la dissidence. De fait personne ne pourra nier qu'au sein de la Phalange Espagnole existaient des noyaux fortement droitiers, très influents dans le mouvement. Il est tout aussi certain que des réticences à cette fusion existaient également au sein de la FE, en effet n'oublions pas qu'y coexistaient des monarchistes droitiers, à côté d'authentiques révolutionnaires. La principale préoccupation des phalangistes était l’accent mis sur les questions sociales par les jonsistes, et leur radicalité quant aux questions économiques, qui leur faisait redouter la prolétarisation de FE.

Il convient de rappeler ici qu'un des points de l’accord de fusion entre les JONS et la Phalange Espagnole était spécifié comme suit : « il est considéré indispensable que le nouveau mouvement insiste pour se forger une personnalité politique qui ne prête pas à confusion avec les groupes de droite »18.

Le 16 Février 1936, sortait le premier numéro de La Patrie Libre. Ramiro, avec d'autres anciens jonsistes s'étaient séparés de la Phalange Espagnole. Avec cette nouvelle publication ils voulaient revenir à la ligne politique antibourgeoise, Nationale-Syndicaliste révolutionnaire des premières JONS. Les défenseurs de la « vérité joséantonienne » n'hésitèrent pas et n'hésitent toujours pas à disqualifier Ramiro et à l'ensevelir sous les plus fallacieuses critiques. Il fut accusé d'être jaloux, il fut ridiculisé par José Antonio évoquant certains « gévolutionnaires » en allusion à la prononciation des « r » par Ramiro. Dans la plupart des livres sur le National-Syndicalisme écrits par des phalangistes, Ramiro est considéré comme un acteur secondaire du National-Syndicalisme, dont on perd tout à fait la trace après la scission - présentée par ces phalangistes comme une expulsion (sic) -.

Ainsi nous trouvons-nous avec des affirmations comme celle de Francisco Bravo: « Ramiro ne sut pas se comporter comme il faut ». Le franquiste Ximenez de Sandoval ajoute: « Ledesma croyait au concept erroné de la nécessité pour une Révolution Nationale de se doter d'une sorte de chef prolétaire ... de revendiquer un juste orgueil créateur »19. Cependant, s'il y en a un qui mérite un commentaire à part c'est bien Raimundo Femandez Cuesta, un des principaux coupables de la droitisation de la Phalange durant tant d'années, le principal valet de la Phalange franquiste, celui qui mit la Phalange coude à coude avec l'extrême-droite la plus réactionnaire au cours de la transition espagnole; il écrit dans une lettre datée du 9 Février 1942 ce qui suit: « L'épisode de l'expulsion (sic) de Ramiro a son origine dans la jalousie personnelle qu'il nourrissait à l'encontre de José Antonio, née peut-être des différences d'origine, de milieu et éducation. Il était l'expression dans la Phalange de la lutte des classes, qui en Espagne menaçait toutes les activités. Cela s'ajoutant à la difficile situation économique de Ramiro en faisait un outil facile pour les partis de droite, désireux de semer la zizanie dans nos rangs »20. En résumé, pour celui qui fut le troisième Chef National de la Phalange Espagnole, Ramiro, le fondateur et principal théoricien du National-Syndicalisme, n'était qu'un jaloux et un pauvre homme acheté par les partis de droite pour provoquer un désastre dans le mouvement phalangiste. Je ne suis pas sûr qu'il convienne d'analyser ces déclarations intempestives et péremptoires, car il serait difficile de le faire avec calme.

De nombreuses opinions existent quant à la scission de Ramiro, mais sans doute serait-il correct de lire ce que Ramiro lui-même affirma sur ce sujet: « Quiconque croirait que notre rupture avec FE n’obéissait qu’à un simple caprice et qu'elle était exempte de toute profondeur se trouve dans une grande erreur. Nous les jonsistes avons observé les contradictions, nous avons constaté avec clarté que l'heure était arrivée pour des changements radicaux dans l'orientation, la tactique et dans les dirigeants eux-mêmes, et vu que rien de cela ne pouvait survenir nous avons donné vie à nouveau aux JONS »21. Le fait est que Ramiro, Onesimo Redondo, Manuel Mateo et Alvarez de Sotomayor, se réunirent dans le café Fuyma pour commenter la situation de FEJONS. Lors de cette réunion Onesimo ainsi que Mateo insistèrent sur la nécessité de faire quelque chose, car la situation était devenue angoissante. Selon Martinez de Bedoya « José Antonio était entouré de senoritos fonctionnarisés, qui usaient jalousement de leurs prérogatives et s’attribuaient des salaires.» La décision des quatre réunis fut celle de se séparer de la Phalange Espagnole et de réorganiser les JONS. Mateo affirmait qu’il apporterait l'appui résolu de la CONS (NDLR : Centrale Ouvrière Nationale-Syndicaliste, le syndicat phalangiste) et Onesimo Redondo se prévalait du soutient de la fédération la plus importante de la Phalange, celle de Valladolid. Il est vrai qu'une fois que Ramiro, le plus réticent des quatre pour la séparation, eut été convaincu, seul Alvarez de Sotomayor réalisa ce qui fut décidé lors de cette réunion. En effet, Mateo retourna la veste pour être nommé (comme récompense ?) par José Antonio à la tête de la CONS, tandis qu'Onesimo Redondo lui aussi décidait de rester aux ordres de José Antonio, oubliant son accord avec Ramiro. Y eu-t-il là une stratégie des phalangistes pour éloigner de l'organisation Ramiro et ses plus fidèles collaborateurs ? Quoi qu'il en soit, rares furent ceux qui suivirent Ramiro - Martinez de Bedoya, Gutierrez Palma, Poblador - tandis que Montero Diaz reprenait la lutte aux côtés de Ramiro. Mais ce qui importait vraiment était que le drapeau du National-Syndicalisme flottait à nouveau.

Pendant un certain temps les affrontements verbaux et même physiques entre les gros bras de la FE et les partisans jonsistes de Ramiro furent constants. « Pas un seul jour ne survient sans que l'un ou l'autre des dirigeants des JONS ne soit provoqué dans la rue par l'un des dix ou douze voyous au service de Primo de Rivera », « les attaques lancées par les dirigeants phalangistes à l'encontre de ceux des JONS sont caractéristiques, avons-nous dit et répétons-nous, d'êtres répugnants, résiduels, qui vivent en dehors de toute substance morale et de toute ambition avouable »22. Ramiro ne voulut jamais riposter par les armes aux attaques phalangistes et quand il se vit obligé à le faire, il le fit par la plume dans les colonnes de La Patrie Libre.

Rainiro poursuivit son activité politique et ni les agressions subies par ses militants de la part des phalangistes, ni l'assaut de son siège social de la rue Amaniel à Madrid, ni les injures permanentes n'eurent d'effet sur lui comme sur ses camarades.

Il est nécessaire de remarquer, par ailleurs, que Ramiro ne fut jamais bien vu par les joséantonistes, et nous savons que cette affirmation mettra en colère les « puristes » de la Phalange. Ce qui est sûr c'est que sans Ramiro le National-Syndicalisme n'existerait pas, telle est la vérité. José Antonio aida à donner corps au National-Syndicalisme - essentiellement pendant les derniers mois de 1935 et jusqu’à son décès le 20 Novembre 1936 - mais sans les bases fournies par Ramiro la Phalange n'aurait jamais été qu'une vulgaire organisation d'extrême-droite.

Il serait injuste de refuser toute critique envers Ramiro, car il est certain que comme tout un chacun il put se tromper à certaines occasions. Mais lorsque ces critiques sont tendancieuses ou lorsque ces attaques envers lui ne montrent qu'une profonde ignorance de ses idées, cela, en plus d'être lamentable, est condamnable. Ainsi dans la revue Sindicalismo à laquelle collabora, entre autres, Sigfredo Hillers de Luque, paru dans l’article Bavardages de la Joyeuse Baleine un encadré portant le titre Le syndicalisme de Ramiro Ledesma Ramos, - cet article fut reproduit 28 ans après, sans aucune sorte de commentaire ou de correction dans le numéro 22 en mai-juin 1992 de la revue No Importa, organe de la Phalange Espagnole Indépendante (NDLR : un groupuscule phalangiste de stricte observance caractérisé par un catholicisme exacerbé), dans lequel il est dit ce qui suit: « Le National-Syndicalisme de Ramiro Ledesma et celui de José Antonio en 1935 n'ont que peu ou rien à voir entre eux ... La séparation de Ramiro de la Phalange, indépendamment des problèmes personnels (il y en eut) parfois invoqués pour expliquer cette séparation, fut due sans aucun doute à ce que José Antonio et Ramiro, même s'ils utilisaient les mêmes mots, ne voulaient pas la même chose ... Face à la progressive radicalisation fasciste de Ramiro, se trouvait la progressive radicalisation syndicaliste de José Antonio ». Il s’agit d’une opinion phalangiste exempte de toute crédibilité, y compris en ce qui concerne la fascisation de Ramiro, qui affirmait à l’époque de la scission : « Ils n'aspirent plus (les jonsistes), ni lui (Ramiro), ni ses camarades, à organiser, à quelque degré que ce soit, le fascisme. Ce qu'il pouvait y avoir de fascisme dans les anciennes JONS est repris aujourd'hui par Primo de Rivera, surtout lors de ses dernières actions de propagandes. Ceux-là (les Jonsistes) conçoivent leur mission tout autrement »23.

RAMIRO ET LES SYNDICALISTES DE LA CNT

Les écrits de Ramiro comportent constamment des commentaires et des remarques favorables à certains secteurs de la CNT (NDLR : Confédération Nationale des Travailleurs. Très important syndicat anarchiste espagnol). Ainsi dans le numéro 14 de La Conquête de l’Etat, une page entière fut consacrée au Congrès Extraordinaire de la CNT, page dans laquelle Ramiro écrivit : « Nous devons être aux côtés de la CNT en ces instants où s'établissent les rapports de force sociaux. Ainsi croyons-nous accomplir notre devoir d'artisans de la conscience et de la future et authentique culture d'Espagne ». Dans le numéro 11 de cette même publication fut aussi publié un dialogue entre Ramiro et Alvarez de Sotomayor, membre alors de la CNT qui rejoindra par la suite les JONS, dans lequel le dirigeant jonsiste affirme: « Les Syndicats Uniques de la CNT mobilisent les forces douées du plus brave et magnifique caractère révolutionnaire qui existe en Espagne. Soréliens à éducation antipacifiste et guerrière ... quand arrivera le moment de lever l'étendard des différences radicales, nous le ferons : mais entre temps nous les considérons comme camarades et en de nombreuses occasions nous tirerons à leurs côtés, soucieux de semer la désolation et la mort dans les rangs de la pâle médiocrité bourgeoise ».

Les dissidences et les scissions ne manquèrent pas à l'intérieur de la CNT. Elles furent provoquées en grande partie par les discordances entre les syndicalistes révolutionnaires et les communistes libertaires de la Fédération Anarchiste Ibérique. Cela facilita les contacts et rencontres avec des éléments du Parti Syndicaliste (NDLR : une scission de la CNT) d'Angel Pestana et avec des groupements locaux de cénétistes. Ramiro lança dans le numéro 3 de La Patrie Libre un appel « aux groupes dissidents de la CNT, au groupe des trente, au Parti Syndicaliste présidé par Angel Pestana, aux possibles secteurs marxistes qui ont appris la leçon d'Octobre, à Joaquin Maurin et ses camarades du Bloc Ouvrier et Paysan », il leur écrit : « Rompez toute amarre avec les illusions internationalistes, avec les illusions libérale-bourgeoises et avec le parlementarisme. Vous devez savoir qu'au fond, ce sont là les drapeaux des privilégiés, des grands propriétaires terriens et des banquiers. Car tous ces gens sont internationaux comme le sont leur argent et leurs négoces. Libéraux, car la liberté leur permet d'édifier féodalement leurs grands pouvoirs contre l'Etat National du Peuple. Parlementaristes parce que la machine électorale est dans leurs mains : la presse, la radio, les meetings et la propagande »24. Ce fut là un appel au FRONT UNI CONTRE LE SYSTEME, auquel répondirent de nombreux dirigeants et militants de base de la CNT et de partis d'extrême gauche, parmi lesquels, Guillen Salaya, Nicasio Alvarez de Sotomayor, Olalla, Pascual Llorente, Enrique Matorras, José Guerrero Fuensalida, Luis Ciudad ... entre autres. Tous comprirent les consignes jonsistes d'unir le national et le social. Ensemble ils levèrent l'étendard de la révolution prolétaire nationale.

RAMIRO ET L'EUROPE

Il ne serait en rien gratuit d'affirmer qu'aujourd'hui Ramiro serait un militant de la Nation Europe enthousiaste et convaincu. Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale il est apparu clairement que l'indépendance et l'autarcie des petits espaces nationaux est condamnée à l'échec, et que seul dans les grands espaces géopolitiques peut être articulée une alternative globale. Cela joint à l’origine culturelle commune des européens fait de l'Europe un « mythe mobilisateur ». Ramiro comprend parfaitement cela quand il s'interroge : « N'est-il pas temps que l'Espagne regarde et perçoive les horizons européens ? N'est-il pas d'ores et déjà indispensable que l'Espagne entre dans la réalité européenne ? Car c'est bien cela que nous voulons »25. Quelqu'un peut-il douter de la vocation européenne de Ramiro ? Je répète, aujourd'hui Ramiro serait un fervent militant européen, un euro-révolutionnaire, cela en dépit de tous les soit disants Nationaux-Syndicalistes actuels qui restent enfermés, en cette fin du XX° siècle, dans « LEUR » Espagne.

CONCLUSION

Nombreux sont les militants d'extrême-droite qui encensent et acclament Ramiro pour ses textes anticommunistes et patriotiques, mais ces mêmes éléments oublient ses proclamations socialistes et prolétariennes, ses critiques du nationalisme patriotard réactionnaire ou son profond sens de dépassement des vieilles idées caduques. Toute personne connaissant les propositions Nationales-Bolcheviques des années trente verra dans les idées et les paroles de Ramiro l'authentique expression espagnole de cette tendance. Et certes il est bien clair que pour les Jonsistes la conjugaison du social et du national signifiait l'union de volontés révolutionnaires procédant de la droite et de la gauche, anxieuses toutes de voir naître une nouvelle Espagne et une nouvelle conception de la communauté populaire.

Ce furent là sans aucun doute les premiers Nationaux-Bolcheviques et comme allait le dire Ramiro Ledesma Ramos lui-même à la fin de son génial Fascisme en Espagne ? , « autant à lui qu’à ses camarades, la chemise rouge de Garibaldi va mieux que la chemise noire de Mussolini »26.

Juan Antonio Llopart

jeudi 24 février 2011

interview a Adinolfi

Gabriele Adinolfi est une des figures intellectuelles non conformistes italiennes les plus en vue. Ce militant national- révolutionnaire très influencé par Julius Évola a été contraint à l’exil en France pendant vingt ans. On lui doit deux ouvrages remarqués ces derniers temps, « Nos belles années de plomb » en 2004 et « Pensées Corsaires, abécédaire de lutte et de victoire » en 2008. Plus que jamais en pointe du combat en Italie, il a accepté de répondre à quelques-unes de nos questions.
RIVAROL : En premier lieu M. Adinolfi, vous qui êtes un militant de grande expérience et qui avez fait de nombreux sacrifices pour l’idéal fasciste, pouvez-vous nous dire comment vous voyez le futur de l’Italie et celui de sa jeunesse ?
GABRIELE ADINOLFI : Très négatif. L’Italie est un pays vieillissant dont le taux de natalité est le plus bas à l’échelle mondiale, il n’a presque plus d’industrie, un secteur agricole restreint et une souveraineté très limitée. Les seuls éléments qui sauvent actuellement l’Italie de la ruine se trouvent dans l’appareil énergétique national notamment l’ENI), dans l’industrie d’armement, dans la petite entreprise et dans ce qui reste de l’épargne familiale.
Dans le contexte actuel de globalisation, cela nous donne quelques années à peine de survie si les données ne changent pas radicalement.

R. : Quelle place peut occuper le fascisme dans le futur italien ?
G. A. : C’est un paradoxe. Le fascisme encore aujourd’hui présente toutes les réponses aux problèmes actuels. On peut dire de lui que c’est le seul système de pensée et d’organisation qui possède les solutions aux grands défis contemporains. Mais il ne parvient toujours pas à se mettre en place dans la conjoncture présente. Les Italiens qui ont connu le fascisme réel au quotidien continuent d’apprécier et même d’aimer l’oeuvre de Mussolini, ayant joui de tous ses bienfaits sociaux, économiques, éthiques et culturels. À la différence notable de ceux qui n’en ont connu que la légende noire, à l’instar des Français qui ne l’ont jamais expérimenté (Vichy procédant de circonstances aussi inattendues que défavorables et n’incarnant de toute façon pas un projet fasciste). Cette nostalgie grandit de jour en jour par la simple comparaison de l’Italie mussolinienne avec l’Italie antifasciste d’abord et post-fasciste après. Cependant il manque toutes les conditions objectives pour la fondation d’un Etat-Nation d’inspiration fasciste, donc le fascisme malheureusement en l’état actuel des choses ne pourra pas se proposer. Il est possible cependant d’extraire du fascisme toute une série de solutions aux problèmes qui nous écrasent. Disons que si un certain nombre de conditions sont remplies, on peut espérer dans le futur italien une formule mixte, une forme de péronisme à l’italienne.

R. : En quoi consiste votre action aujourd’hui ?
G. A. : J’analyse, je commente, je propose, j’écris. Je dirige un quotidien en ligne , je donne des conférences, je tiens des débats avec des personnes de toutes les sensibilités, je participe avec le Soccorso Sociale à des interventions concrètes concernant les droits des plus faibles, je coordonne un Centre d’Études, Polaris, qui publie une revue trimestrielle, qui a déjà produit une série de travaux d’analyse, qui organise des rencontres publiques avec des représentants de la culture et des institutions locales ou internationales. Je ne refuse jamais de participer, dans un cadre plus militant, à la formation intellectuelle et à la formation éthique. Je suis avec une attention et une participation particulière la Casa Pound. Je garde aussi des relations internationales, toujours dans l’esprit du renouveau et de la « révolution culturelle », très attentif à neutraliser les lieux communs engendrés par le discours antifasciste dont l’effet néfaste influence l’historiographie et l’idéologie de l’ère post-fasciste.

R. : Comment jugez-vous le rôle du Vatican et plus largement de l’Église dans la vie italienne ?
G. A. : Cela fait dix-sept siècles, mis à part la parenthèse avignonnaise, que l’Italie doit cohabiter avec l’Église, ce qui a produit les guerres civiles entre guelfes et gibelins d’abord, ce qui a longtemps empêché l’unité italienne ensuite, et ce qui a contribué à l’internationalisation de la politique italienne après 1945. Aujourd’hui, la religion catholique a beaucoup moins d’influence dans les moeurs quotidiennes mais elle garde un certain pouvoir d’ensemble, comme le démontre la majorité absolue acquise au Parlement sur la loi contre l’euthanasie. L’Église conciliaire, il y a un an, a aussi lancé une croisade contre le gouvernement Berlusconi à cause de sa politique de frein à l’immigration.
Le Vatican soutient l’immigration, pour des raisons idéologiques ainsi que pour des raisons économiques. “Migrantes”, organisation ecclésiastique de la “Caritas”, qui soutient officiellement que « le mélange des cultures est une ressource » utilise et investit dans l’immigration la moitié de l’argent destiné au Vatican par les impositions des citoyens italiens. Le bras de fer entre le Vatican et le gouvernement italien, qui selon les estimations en 2010 aurait bloqué 400 000 immigrés, s’est soldé par un compromis qui a obligé l’Italie à faire entrer, début 2011, presque cent mille nouveaux immigrés. Le Vatican semble avoir remporté la victoire, ce qui va faire tomber les obstacles aux débarquements d’étrangers.

R. : Ressentez-vous la dynamique fasciste italienne comme un phénomène marginal en Europe ?
G. A. : Plutôt comme un phénomène très typique et très italien. Quant à la mouvance sociologique et aux impulsions idéologiques qui la caractérisent, je pense que c’est l’Europe occidentale et non l’Europe qui est complètement en décalage par rapport à la dynamique italienne. Les raisons sont multiples mais les fautes des nationalistes occidentaux ne sont pas secondaires. Il faut bien dire que les nationalistes occidentaux, marginalisés politiquement suite à des rapports de force intenables, ont souvent été l’incarnation de la marginalisation, en assumant tous les complexes des marginaux et des ratés, et ont couvert leur impuissance politique derrière le fumigène de la langue de bois et des stéréotypes les plus obtus. Cela les éloigne de la réalité et en fait souvent l’incarnation même de la caricature de la bête noire faite par les antifascistes. Une bête noire qui souvent est plus bête que noire du reste…

R. : Quel est pour vous la menace principale pour le monde européen ?
G. A. : Le monde européen lui-même. La vieillesse de l’Europe, son agonie spirituelle, psychologique et biologique, sa dénatalité mariée aux complexes de culpabilisation, à l’idôlatrie de la conception bourgeoise des « droits acquis », l’absence de volonté de puissance et d’esprit de conquête ; ce sont les éléments qui nous condamnent. Ensuite c’est le renoncement à notre production économique et à notre défense armée, le refus de l’esprit de guerre, qui nous condamnent. Ces effets en partie ont été imposés par les vainqueurs de l’Europe, c’est-à-dire du géant multinational qui fonde son pouvoir mondial sur l’alliance entre finance et crime organisé et qui a pour capitale, encore aujourd’hui, New York et pour succursale Washington. Le reste, tout le reste, ne sont que conséquences. L’immigration massive, le multiculturalisme viennent de là et, souvent, s’en nourrissent. Quoi qu’on en pense, on n’obtiendra aucune solution si l’on ne retrouve pas notre énergie vitale et si l’on ne s’éloigne pas du vainqueur de l’Europe. Ceux qui pensent résoudre nos problèmes à l’inverse, c’est-à-dire du bas vers le haut, s’égarent. L’idée de contrer l’immigration par une stricte « guerre de religion », soutenue par la chaîne CNN mais que ni le Vatican ni la plupart des musulmans ne désirent mener, est une véritable manipulation.
Essayer de se ressouder sur une « défense de l’Occident », d’un bien large Occident allant de Londres à New York, de Washington à Tel Aviv, est tout simplement grotesque.
Il suffit de regarder qui soutient les États narco-mafieux musulmans en Europe tels que la Bosnie et le Kossovo (Etats-Unis et Israël), qui a crée Al Qaida (Etats- Unis), qui a soutenu le Hamas et déstabilisé l’unité palestinienne (Israël), pour comprendre que ceux qui espèrent dans une “reconquête” WASP et “judéo-chrétienne”, selon un néologisme en vogue, font fausse route. Ou mieux encore, ont tout faux. Au demeurant ils sont dans une impasse.

R. : Les marxistes ont souvent accusé le fascisme de ne pas s’opposer au capitalisme. Que pensez-vous d’une telle affirmation ?
G. A. : C’est de l’ignorance pure et/ou de la propagande. Il suffirait de rappeler que le capitalisme a déclaré et mené une guerre mondiale contre le fascisme alors qu’il s’est toujours arrangé avec tout gouvernement issu du marxisme. Cela ne vaut même pas la peine d’un débat.

R. : L’expérience mussolinienne a abouti à l’étatisation totale de l’Italie sur le modèle jacobin. Qu’en pensezvous ? Quel rôle aimeriez-vous accorder à l’État ?
G. A. : Il faut distinguer toujours la réalité de la propagande. L’État italien était autoritaire et écrasant avant Mussolini. Le Duce lui a donné une impulsion totalitaire mais en favorisant en même temps l’initiative et la liberté des individus, des familles et des corps sociaux. Je ne vois pas d’autres formules pour ressouder, unifier, renforcer une communauté de destin et sauvegarder de l’autre côté toute liberté de vie. Aujourd’hui ce qui se passe c’est l’inverse. Les institutions détruisent les familles et les corps sociaux, imposent tout, sur le plan culturel, idéologique, financier, économique, moral et même gastronomique. Nous vivons dans une civilisation qui prohibe tout avec les ghettos fumeurs et la culpabilisation des carnivores, des buveurs d’alcool et des coureurs de femmes. C’est le Grand Chicago des gangsters. Je ne peux accorder aucun rôle à l’État pour les raisons que nous évoquions au début : il n’a plus aucune autorité concrète, ni législative, ni économique ni, et plus encore, militaire.
Il faut avant tout une renaissance éthique, spirituelle et biologique et pour une longue période, tout en essayant de former les nouvelles élites, il faudra se battre pour les autonomies qui pourront pallier les abdications de l’État. Sans jamais oublier que le but final est la reconstitution de l’État.

R. : Comment percevez-vous la vie intellectuelle et politique française contemporaine ?
G. A. : La France a toujours été une étoile polaire sur le plan intellectuel. Pourtant j’ai l’impression qu’aujourd’hui elle est dans une impasse. Il faut aussi dire qu’à la différence de l’Italie, qui est une colonie depuis soixante-six ans, la France a joué pendant des décennies un rôle dans le monde. Son abdication géopolitique rapide en Afrique, son abdication civilisationnelle, graduelle mais accélérée, dans l’Hexagone même, bien que compensées par des intérêts boursiers et par des participations aux trafics les plus obscurs de l’Amérique Latine desquels la France n’avait jamais profité avant, ont dépossédé d’un coup les Français de tout optimisme en cette première décennie du siècle. Ne serait-ce que sur le seul plan économique.
Chiffres en main, bien que plus riches en salaire, les Français ont payé beaucoup plus que nous autres Italiens la crise économique mondiale déclenchée par la finance.
Par ailleurs la culture française est en recul, y compris dans les écoles de l’Hexagone où la langue est devenue un succédané pour tout nain inculte et un bien rare et précieux chez les moins de 45 ans. En dehors de quelques millionnaires francocosmopolites, personne n’a de raisons d’être enthousiaste vis-à-vis de la situation que connaît la France actuellement. Et, en l’absence d’une culture et d’une philosophie — qui ont été démantelées scientifiquement par des professeurs imbus de psychopathies gauchisantes — il est même difficile de trouver un dépassement du désespoir dans le monde de l’art. Ni joyeux ni tragiques, les Français se sentent confinés aujourd’hui dans la détresse. Un peu comme les Américains qu’ils se sont pris à imiter depuis un quart de siècle. Et comme les citoyens américains subissent et ne partagent pas les conquêtes des oligarchies qui les gouvernent, les citoyens français font de même par rapport à leurs princes vivant dans une autre dimension faite d’abstractions. Le but à atteindre pour se forger un futur est bien celui de ne pas voir ce processus de dépossession s’étendre à toute l’Europe. Il faut, pour cela, vouloir et savoir. La volonté et la connaissance : ceux contre qui la machine infernale à broyer la civilisation emploie tous ses moyens. Le défi est grand mais la volonté peut l’être davantage. Et si elle se nourrit de connaissance rien n’est joué définitivement. Rien.

Propos recueillis par Yann KERMADEC pour « RIVAROL ».

mardi 22 février 2011

un rat noir a bagdad.HERVE VAN LAETHEM



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UN RAT NOIR A BAGDAD
Nationalisme européen et anti-impérialisme.
Pourquoi et comment ?

Hervé Van Laethem, né en 1965, a débuté son engagement militant nationaliste en 1982. Il est en Belgique régulièrement l’objet de l’attention des médias.
Son expérience : quelques semaines avant l’invasion de l’Irak en 2003, il décide de se rendre à Bagdad comme bouclier humain. Ce qui le motive ? L’agression des Etats-Unis et de l’OTAN contre la Serbie quelques années auparavant. « L’image, écrit-il, des civils serbes victimes des bombes américaines, à trois heures d’avion de Bruxelles, nous avait profondément révolté
Opposant farouche aux lobbies immigrationnistes, traité souvent de raciste par ses adversaires de gauche, il est pourtant un de ceux qui, au sein de la mouvance nationale, pensent que l’Europe a tout intérêt à coopérer avec d’autres peuples dans le monde, afin de pouvoir résister à l’hégémonisme et l’impérialisme américain.
Plus de deux après (« le but n’était pas de jouer les vedettes »), il a accepté de publier les souvenirs de ce voyage et de s’en servir comme d’un fil rouge pour mieux expliquer sa conception du monde.
Il a insisté pour le choix du titre « Un rat noir à Bagdad ! », car l’expression « rat noir » est devenue le symbole d’une génération de militants radicaux et extra-parlementaires à laquelle Hervé Van Laethem s’identifie sans complexes.

BARDECHE.

Maurice Bardèche


Bardèche fut le père du fascisme français d'après guerre et fut pendant cinquante ans la grande figure idéologique et intellectuelle de l'extrême droite française. Il écrivait cependant déjà avant-guerre dans l'hebdomadaire antisémite Je suis partout. Beau-frère et adulateur du collaborationniste Brasillach, antisémite et rédacteur en chef de Je suis partout -- Brasillach qui écrivait le 25 septembre 1942 : « il faut se séparer des Juifs et ne pas garder les petits » -- Bardèche n'a pas supporté la condamnation à mort de Brasillach.
En 1947 Bardèche justifiait dans une lettre à François Mauriac la collaboration avec Hitler (Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Seuil, 2000, p. 40). Ses écrits sont imprégnés d'un racisme et d'un antisémitisme acharné. Il parle des « rêves enfermés dans la cervelle sournoise d'un petit cireur de bottes négroïdes du ghetto de New York » (cité par Igounet, p. 43). Toute sa prose vise à asséner une thèse délirante: les Juifs seraient responsables de la guerre.
Dès 1948 il écrivait un ouvrage antisémite exonérant les nazis de leurs crimes ou en niant la réalité, et faisant porter la responsabilité de la guerre sur « Les Juifs ». Plus encore que Rassinier, il est le véritable fondateur du négationnisme en France.
En décembre 1950, Bardèche donne des conférences en Allemagne devant des parterres d'anciens nazis. Il y fait l'apologie de la collaboration (Igounet, p. 49). Bardèche admirait le IIIe Reich et adulait ses hommes (Igounet, p. 58). Il fut, avec l'ancien SS Karl-Heinz Priester, l'éditeur de Bardèche en Allemagne, l'un des chefs de file de l'extrême droite européenne des années 50 et 60. Fondateur de la revue néo-fasciste Défense de l'Occident, qu'il dirigea pendant 30 ans de 1952 à 1982, il fut un discret mais inlassable propagandiste du négationnisme à l'extrême droite. Bardèche a participé aux principales publications de l'extrême droite française et Européenne, Rivarol, Nation Europa et, bien sûr, Défense de l'Occident.
En 1954, Bardèche avait publié dans Défense de l'Occident de larges extraits d'un article bourré d'ignominies négationnistes de la revue nazie publiée en Argentine Der Weg, que dirigeait alors le nazi Johann von Leers; article dont Rassinier a très vraisemblablement eut vent et récupéré sans citer sa source (Florent Brayard, Comment l'idée vint à M. Rassinier, Naissance du révisionnisme, Fayard, 1996, p. 310)
En 1962 et 1964 Bardèche édita Rassinier. Il entretint avec lui une correspondance suivie ainsi qu'avec le nazi Johann von Leers. En 1963, Bardèche constituait avec une brochette d'antisémites pathologiques -- notamment Xavier Vallat et Jacques Ploncard d'Assac -- une « société des amis d'Edouard Drumont » qui reprend les délires antisémites de Drumont et promeut notamment la validité du faux antisémite fabriqué par la police tsariste au début du siècle, les Protocoles des sages de Sion (Pierre Birnbaum, « La France aux Français », Histoire des haines nationalistes, Seuil, 1993, p. 112)...
La revue de Bardèche, Défense de l'Occident accueillit Rassinier à de nombreuses reprises, mais aussi bien d'autres négationnistes comme le militant extrémiste François Duprat, le néo-nazi Richard Harwood, et bien sûr Faurisson (René Monzat, Enquêtes sur la droite extrême, Le Monde Éditions, 1992, p. 182).
Ce fut Bardèche qui prononça l'éloge funèbre de Rassinier.

la revolution arabe en europe

Le sot, le pédant, le cuistre et le fanatique prennent le savoir pour un signe (j'exhibe des traits culturels et des vestiges, donc je suis). Il est certain que l'ignorance que manifestent par exemple les lecteurs de Fdsouche (et qui sont probablement des adhérents ou sympathisants des ligues du sud, du nord et de toutes les directions, surtout celle de Jérusalem), est presque un trait culturel ostentatoire. Rien à voir avec l'ignorance qui se sait. D'autant plus que cet ethnocentrisme bête (à ne pas confondre avec le patriotisme) débouche (ou cache) le racisme le plus répugnant. S'il arrive d'avoir des mots contre les Noirs et les Arabes, c'est par réaction contre un discours antiraciste manipulé, artificiel et tartuffard : la survalorisation du beur ou du black est un moyen de détruire la France et l'Europe. D'où une dépréciation quasi automatique des (faux) protégés de la Ripoublique. Mépris qu'on peut par ailleurs distribuer aux Français de souche (pourquoi être pingre en cette matière ?), quand ils se comportent comme des idiots ou des serfs, ce qui est le cas pratiquement tout le temps (comme ne cessait de le répéter Céline).

En revanche, et malgré les torsions propagandistes des médias, qui ne montrent que ce qu'ils veulent et avec leur propre vision, les images ou les paroles de Tunisiens, d'Egyptiens ivres de liberté (même si elle sera confisquée ou domestiquée), tout à coup dignes, courageux, redressés, fiers, épanouis, après avoir essuyé la brutalité des sbires d'en face, de ces pourris vendus aux Américains et aux sionistes (365 morts durant les journées de révolte égyptienne : songeons à ce que cela donnerait en France… mais ce ne sont que des Arabes…), eh bien ! on se dit que de telles images font du bien, que la situation n'est pas désespérée, et que tout peut arriver, y compris ici. Quoi qu’en pense l’identitaire (terme idéologique assez brumeux) lambda, pataugeant dans ses préjugés racistes, et bien que je ne sois pas un fanatique de 89, et quand bien même le menu fretin trotscard, à la suite de l’inénarrable facteur de Neuilly, adoreraient aussi (c’est le rôle que lui donne la société du spectacle), on ne peut qu’éprouver du bonheur à contempler un peuple qui tente de se défaire de ses chaînes. Bien sûr, il y a bien du chemin pour identifier ces dernières. Mais je crois que la conscience qu’apporte, de force, toute humiliation, a donné une certaine sagesse aux masses arabes. Celle d’abord de ruser avec un pouvoir sanguinaire, prêt à tirer dans le tas si les intérêts américano-sionistes sont vraiment en danger. Rares sont les « révolutions » où l’on voit les émeutiers saisir intelligemment le moment où il faut se limiter, d’autres où il faut avancer, et les mots d’ordre idoines, capable de fédérer le maximum de gens. La personnalisation de l’adversaire (Ben Ali, Moubarak) était un coup de maître, capable de faire sauter le verrou. Il reste bien sûr l’essentiel, la mise à bas d’un système, d’un « mur » disent certains, qui a tenté d’arrêter l’Histoire, et qui est une conséquence de l’après-guerre, une après-guerre qui n’en finit pas de finir.

Nous passons indéniablement à une nouvelle époque. Les anciens discours ne fonctionnent plus, les vieilles dichotomies droite/gauche sont décrédibilisées, le conglomérat américano-sioniste s’essouffle sous la pression externe des empires émergents et par un effondrement interne, dont les événements méditerranéens sont une illustration. C’est à nous de saisir cette occasion, nous, Européens, qui n’existons pour l’instant pas plus qu’une feuille morte qu’un vent mauvais pousse dans la mauvaise direction.

La vision des arabo-musulmans qu’ont certains comme l’Autre absolu, l’ennemi, non seulement est fausse, une sorte de remugle d’une Histoire falsifiée (il faut lire l’ouvrage de Franco Cardini : Europe et Islam), mais fort dangereuse, car elle nous transforme en harkis du camp atlantiste (et même pas en collabos !). Si nous voulons agir sur l’Histoire, recouvrer notre puissance et notre liberté, accéder enfin à un destin digne, nous devons nous démettre de certains stéréotypes qui frisent la bêtise pure et simple.

Non, l’immigration ne porte pas l’islamisme comme le grain porte l’orage.

Non, un empire musulman, débarrassé des salafistes alliés des Américains et d’Israël, n’est pas plus un danger que l’ « empire » yankee.

Oui, un accord avec les forces qui s’éveillent outre-Méditerranée comporte des avantages pour nous.

Non, ces événements n’entraîneront pas plus émigration que maintenant : au contraire.
Oui, nous pouvons nous comprendre, grâce à un approfondissement de la longue Histoire (nous sommes frères parfois ennemis, souvent complices – songeons au substrat philosophique qui nous unit, le platonisme et l’aristotélisme).

Oui, il est possible de restaurer un empire européen, peut-être avec nos amis russes, qui établira des liens civilisationnels avec un empire musulman, et tentera de sortir de l’ornière capitaliste, libéral-libertaire.

dimanche 20 février 2011

groupe krisis

Une société centrée sur l'abstraction irrationnelle du travail développe nécessairement une tendance à l'apartheid social, dès lors que la vente réussie de la marchandise-force de travail, de règle devient exception. Depuis longtemps, toutes les fractions du camp du travail, qui englobe tous les partis, ont subrepticement accepté cette logique et poussent elles-mêmes à la roue. Elles ne s'affrontent plus pour savoir si une part toujours plus grande de la population sera ou non laissée sur le bord de la route et exclue de cette participation sociale, mais seulement comment faire passer, bon gré mal gré, cette sélection.

La fraction néo-libérale abandonne en toute tranquillité la sale besogne du darwinisme social à la « main invisible » du marché. C'est ainsi qu'on démantèle les structures de l'État social pour marginaliser, aussi discrètement que possible, tous ceux et toutes celles qui n'arrivent plus à suivre la concurrence. Seuls les membres ricanants de la confrérie des gagnants de la globalisation sont encore considérés comme des humains. La machine capitaliste, qui n'a d'autre finalité qu'elle-même, accapare naturellement toutes les ressources de la planète. Dès que celles-ci ne peuvent plus être mobilisées de manière rentable, elles doivent être mises en friche, même si, juste à côté, des populations entières meurent de faim.

Quant à ces fâcheux « déchets humains », ils relèvent de la police, des sectes religieuses millénaristes, de la mafia et de la soupe populaire. Aux États-Unis et dans la plupart des pays d'Europe centrale, il y a aujourd'hui plus d'humains emprisonnés que dans n'importe quelle dictature militaire. Et en Amérique latine, il meurt quotidiennement plus d'enfants des rues et d'autres pauvres sous les balles des escadrons de la mort de l'économie de marché qu'il n'y a eu de contestataires assassinés à l'époque de la pire répression politique. Il ne reste aux exclus qu'une fonction sociale : celle de l'exemple à ne pas suivre. Leur sort doit inciter tous ceux et toutes celles qui jouent encore à la chaise musicale de la société de travail à lutter pour les dernières places. Et, par-dessus le marché, tenir en haleine la masse des perdants, de sorte que ceux et celles-ci n'aient même pas l'idée de se révolter contre les exigences insolentes de ce système.

Mais même au prix de l'abdication de soi, le meilleur des mondes de l'économie de marché totalitaire ne prévoit pour la plupart qu'une place d'humain souterrain dans l'économie souterraine. Il ne reste aux humains qu'à proposer humblement leurs services comme travailleurs ultra-bon marché et esclaves démocratiques aux gagnants de la globalisation plus fortunés. Ces nouveaux et nouvelles « pauvres qui travaillent » peuvent ainsi cirer les chaussures des derniers hommes et femmes d'affaires de la société de travail moribonde, leur vendre des hamburgers contaminés ou surveiller leurs centres commerciaux. Celles et ceux qui ont laissé leur cervelle au vestiaire peuvent même rêver de devenir millionnaires comme prestataires de service !

Dans les pays anglo-saxons, ce monde terrifiant est déjà la réalité pour des millions d'hommes et de femmes, sans même parler du Tiers-Monde et de l'Europe de l'Est ; et en Euroland, on se montre décidé à vite rattraper le temps perdu. Depuis longtemps, la presse économique ne cache plus le futur idéal du travail tel qu'elle se l'imagine : les enfants du Tiers-Monde qui nettoient les pare-brise des voitures aux carrefours sont l'exemple lumineux de « l'esprit d'initiative » auquel doivent aspirer les chômeurs face à ce « manque total de prestations de service » qui serait le nôtre. « Le modèle du futur est l'individu patron de sa force de travail et de sa protection sociale », écrit la Commission pour les questions d'avenir des États libres de Bavière et de Saxe. Et de poursuivre : « Plus les services simples et personnalisés sont bon marché, plus la demande est grande : c'est-à-dire que les prestataires de service y gagnent moins. » Alors que ces affirmations provoqueraient une révolte sociale dans un monde où l'amour-propre existe encore, elles ne suscitent qu'un hochement de têtes impuissant dans ce monde de bêtes de somme qu'est la société de travail.

« Le criminel avait détruit le travail tout en emportant le salaire d'un ouvrier. À lui maintenant de travailler sans rémunération et d'entrevoir les bienfaits du succès et du gain même dans son cachot. […] Le travail forcé doit l'éduquer au travail honnête comme action personnelle et librement choisie. »
Wilhelm Heinrich Riehl, le Travail allemand, 1861

Groupe Krisis : Manifeste contre le Travail. Juin 1999.

samedi 19 février 2011

CITOYEN DU MONDE?

"Car la loi nouvelle lui dit : "Tu seras citoyen du monde, tu vas être toi aussi empaqueté et déshydraté, tu n'écouteras plus le bruissement de tes arbres et la voix de tes cloches, mais tu apprendras à entendre la voix de la conscience universelle, secoue la terre de tes souliers, paysan, cette terre n'est plus rien, elle salit, elle embarrasse, elle empêche de faire de jolis emballages. Les temps modernes sont venus. Ecoute la voix des temps modernes. Le manoeuvre polonais qui change d'embauche douze fois par an est le même homme que toi,(...), ils ont les mêmes droits que toi sur ta terre et sur ta ville, (...), ô paysan. Ils ont les mêmes droits que toi et tu leur feras place à ta
table et ils entreront au conseil où ils t'apprendront ce que dit la conscience universelle que tu n'entends pas encore aussi bien qu'il faudrait. Et leurs fils seront des messieurs et ils seront établis juges sur tes fils, ils gouverneront ta ville et ils achèteront ton champ, car la conscience universelle leur donne expressément tous ces droits. Quant à toi, paysan, si tu fait des conciliabules avec tes camarades et si tu regrettes le temps où l'on ne voyait que des garçons du canton à la fête de la ville, sache que tu parles contre la conscience universelle et que la loi ne te protège pas contre cela."
Car telle est, en vérité, la condition de l'homme après la déposition des patries. On soutient par pression les régimes qui ouvrent largement la cité à l'étranger. On exige que ces étrangers reçoivent les mêmes droits que les habitants du pays et on condamne solennellement toute tentative de discrimination. Puis on ne reconnaît pour régulière qu'une manière d'opiner purement numérique. Avec ce système, quelle cité ne sera pas, en un temps donné, soumise par une conquête pacifique, submergée par une occupation sans uniforme et offerte finalement au règne de l’étranger ?  Le point final est atteint ici. Les différences nationales seront peu à peu laminées. La loi internationale s'installera d'autant mieux que la loi indigène n'aura plus de défenseurs. Les gérances nationales que nous décrivions tout à l'heure prennent dans cette perspective leur véritable signification : les Etats ne seront plus que les arrondissements administratifs d'un seul Empire. Et d'un bout à l'autre du monde, dans des villes parfaitement pareilles puisqu'elles auront été reconstruites après quelques bombardements, vivra sous des lois semblables une population bâtarde, race d'esclaves indéfinissable et morne, sans génie, sans instinct, sans voix. L'homme déshydraté régnera dans un monde hygiénique. D'immenses bazars résonnants de pick-up symboliseront cette race à prix unique. Des trottoirs roulants parcourront les rues. Ils transporteront chaque matin à leur travail d'esclave la longue file des hommes sans visage et ils les ramèneront le soir. Et ce sera la terre promise. Ils ne sauront plus, les usagers du trottoir roulant, qu'il y eut jadis une condition humaine. Ils ne sauront pas ce qu'étaient nos cités, quand elles étaient nos cités : pas plus que nous ne pouvons imaginer ce qu'étaient Gand ou Bruges au temps des échevins. Ils s'étonneront que la terre ait été belle et que nous l'ayons aimée passionnément. Eux, la conscience universelle propre, théorique, découpée en rondelles, illuminera leurs ciels. Mais ce sera la terre promise."
Maurice Bardèche, 1948.

jeudi 17 février 2011

qui est GENE SHARP?

Grenoble
Gene Sharp est un auteur incontournable pour quiconque s’intéresse à la résistance civile. Son but dans La Guerre Civilisée, la défense par actions civiles, est de proposer une solution de défense non violente qui s’appuie sur l’action des civils (Défense par Actions Civiles, DAC). Il est bien question de guerre, dans la mesure où il s’agit de contraindre un adversaire puissant et violent, où la DAC utilise des armes - psychologiques, sociales, économiques et politiques -, où les combattants - la population et les institutions sociales résistantes – doivent être préalablement formés, et surtout où une stratégie doit être minutieusement élaborée afin d’atteindre des objectifs précis. Ecrit sur la nature, les problèmes et le potentiel de la lutte non violente, ce livre est, comme l’auteur le souligne, une base de recherche et d’approfondissement destinée aux Etats et aux citoyens. Il cherche à stimuler la réflexion en présentant de nouveaux éléments, des idées originales, ainsi que de nombreuses options.
Chapitre I : Une défense sans guerre ?
Le premier chapitre, intitulé « Une défense sans guerre ?  », énonce la problématique de l’auteur. Il rappelle l’évidente nécessité d’un système de défense efficient dans le contexte actuel riche en conflits. Mais l’objectif est de mettre en évidence l’efficacité d’une politique de défense non militaire, capable de dissuader et de défendre sans encourir les risques de la guerre moderne.
G. Sharp débute sa démonstration en donnant la définition de la DAC. Il développe quatre cas historiques. Les deux exemples de lutte contre des coups d’Etat internes – Allemagne, 1920, tentative du coup d’Etat de Kapp ; France, 1961, échec du putsch d’Alger – font référence à la non coopération et à la désobéissance de masse, par des individus somme toute ordinaires, comme outil décisif. Les deux autres exemples illustrent des luttes contre des invasions militaires étrangères - 1923, lutte des Allemands de la Ruhr contre l’occupation franco-belge ; Tchécoslovaquie, 1968, résistance contre l’invasion et l’occupation des troupes soviétiques – en pointant l’intérêt de l’aval officiel du gouvernement légitime. Le manque d’organisation préalable, de préparation, d’armes non violentes perfectionnées, d’entraînement ou de connaissance approfondie des conflits passés et des principes stratégiques de la lutte non violente, alors que les militaires en bénéficient depuis des milliers d’années, constituent la lacune principale de ces mouvements. Néanmoins, les résultats restent impressionnants. Ce qui engage Gene Sharp à chercher plus loin les causes de ces réussites et à en retirer l’intelligence en vue d’améliorer l’efficacité future.
Chapitre II : Capter les sources de pouvoir
Le deuxième chapitre, « Capter les sources du pouvoir », développe la théorie de la « dépendance des gouvernements » sur laquelle repose la DAC. Il montre que tout gouvernement dépend de la société qu’il dirige. Le pouvoir qu’il détient n’est pas intrinsèque. Il naît de l’interaction entre un nombre limité de sources bien définies : la légitimité plus ou moins reconnue, l’adhésion de la société, les compétences et la connaissance des organes dirigeants, les facteurs intangibles psychologiques ou idéologiques, le contrôle des moyens matériels, la nature et l’étendue des sanctions. Ce sont là les cibles privilégiées de la lutte non violente car elles sont sensibles à la non coopération et à la désobéissance des gouvernés.
G. Sharp rappelle par ailleurs que la force n’assure pas la durabilité du pouvoir, et qu’elle peut être contrariée par un mouvement de masse s’appuyant sur les institutions et organisations sociales se forme. Ces dernières sont en effet les carrefours du pouvoir et fournissent la structure de fond du contrôle des gouvernants. Si le désir de résistance, la détermination et la capacité de s’organiser de la population s’allient avec les organisations et institutions sociales dont l’étendue, la vitalité et l’indépendance sont satisfaisantes, alors la société peut réellement se réapproprier le pouvoir. Néanmoins, il est essentiel en préalable à toute lutte que la population sache comment la mener suite à son acte de défi initial, qu’elle assimile bien la technique de l’action non violente. Celle-ci sera établie d’après l’appréciation des sources de pouvoir sur lesquelles l’agresseur se repose.
Chapitre III : Manier le pouvoir
L’objet du troisième chapitre, « Manier le pouvoir » , est l’étude de la mise en pratique de l’action non violente. Elle doit être perçue en tant que combat à part entière. Elle a ses méthodes spécifiques (ses armes), sa dynamique, des conditions de réussite, ses principes stratégiques et tactiques. L’auteur répertorie plus de deux cents « armes non violentes », basées sur des actes d’omission ou de transgression, qu’il regroupe en trois catégories : la protestation et la persuasion non violente, la non-coopération, et l’obstruction non violente. Il les illustre de nombreux exemples. Il insiste sur le fait que ces procédés sont variés, complexes puisque plusieurs processus entrent en jeu de manière simultanée et interactive, plus efficaces enfin, que ceux reposant sur la violence, dans la mesure où ils s’attaquent aux fondements mêmes du système de l’adversaire et non aux expressions de son pouvoir. Une fois cet « arsenal » examiné, Gene Sharp se penche sur les mécanismes permettant le succès de l’action non violente. Le choix de la stratégie d’abord, puis la rigueur de son application, essentielles car elles influent sur l’évolution du rapport de forces et l’issue des hostilités. Dans ce cadre, le maintien de la non violence est capital, ne serait-ce que pour limiter la répression ; en outre, si l’adversaire ne rencontre ni résistance violente, ni reddition, un processus de « jiu-jitsu politique » se met en place : la force de la répression se retourne vers son initiateur, déséquilibré politiquement. Enfin, la non violence dérange, plus même que l’opposition violente où l’agresseur est plus à l’aise. Ensuite, G. Sharp examine les processus de changement. Il en différentie quatre : le retournement (conversion de l’adversaire), le compromis, la coercition et la désintégration (application la plus extrême). Ou une combinaison des quatre. Il montre comment la réussite sera probablement plus profonde et durable qu’une victoire militaire.
Chapitre IV : La défense par action civile
Le quatrième chapitre, pose les grandes lignes de cette politique de défense :
préparation, stratégie, planification et formation préalables. L’auteur cherche à coordonner les méthodes, à les adapter à différents objectifs, à enrichir leur application par de nouveaux acquis et concepts qui améliorent largement l’efficacité. Tout d’abord, percevoir les objectifs de l’agresseur constitue un facteur crucial de l’organisation d’une défense par actions civiles. S’agit-il d’une volonté d’expansion territoriale, de la préparation d’un génocide, d’imposer ou de maintenir une dictature, il existe toujours des failles qu’il faut exploiter. En outre, le contrôle politique d’un pays est nécessaire aux agresseurs pour atteindre leurs objectifs. Et si le coût pour les atteindre est trop élevé par rapport aux profits, ils peuvent être dissuadés d’attaquer. De nouvelles perspectives s’ouvrent ainsi à la DAC qui prend alors une dimension dissuasive. Mais cette aptitude repose directement sur une réelle capacité de défense. La préparation et la formation dans la population de spécialistes et des institutions (décentralisation du pouvoir, responsabilisation des individus, des organisations et des institutions) empêchera l’agresseur de consolider son pouvoir. Un programme de communication positive servira parallèlement à diminuer les risques. Il faut ensuite mettre en place une stratégie globale d’action en fonction des objectifs de l’agresseur (contre-stratégie), si possible avant l’attaque pour en optimiser l’efficacité. Pour ce, les défenseurs doivent étudier les multiples facteurs qui influeront sur sa mise en œuvre et s’interroger sur le mécanisme de changement le plus apte à assurer la victoire. La phase initiale de la défense est marquée par des stratégies qui s’appuient sur la communication et l’avertissement que les agresseurs vont devoir faire face à une opposition puissante. Pour le déroulement de la lutte, le choix d’une stratégie adaptée à la longue et difficile action qui s’engage s’impose. Deux options principales existent et avec lesquelles il est possible de jongler : une campagne massive de non coopération totale, la plus éprouvante sur le long terme, ou des formes de résistance ciblée. Et de rappeler qu’il est crucial de toujours persister, ne serait-ce qu’à travers une « résistance culturelle ». Au cours de la lutte, il est utile de jauger les avancées en se posant certaines questions clés, et d’entreprendre des corrections si nécessaire. En ce qui concerne les résultats définitifs d’une DAC, la réussite et l’échec doivent être comparés aux autres solutions et à la défense militaire, l’essentiel résidant dans la capacité de la société de maintenir son autodétermination et son autonomie.
Chapitre V : Vers le transarmement
Enfin, le cinquième et dernier chapitre, « Vers le transarmement », expose les mesures à prendre (ou déjà prises) pour approfondir la recherche, préparer et mettre en œuvre une politique de DAC. Gene Sharp part de l’hypothèse que les systèmes politiques auxquels il s’adresse – et qui méritent le nom de démocratie - disposent de temps pour réfléchir à leur défense. Il justifie la faisabilité de la préparation et de l’organisation et met en lumière les avantages qu’elle apporte. Il insiste sur le fait que les analyses, recherches et mise en place de la DAC doivent se faire en temps de paix, comme dans le cas d’une politique de défense militaire. Son adoption ne requiert pas, d’après G. Sharp, de changements fondamentaux telles que des évolutions de la « nature humaine », du système international ou des sociétés. En fait, la préparation de la DAC ainsi que son application, contribuent à améliorer la démocratie et la justice : une société satisfaite de l’ordre établi et une meilleure répartition du pouvoir entre les institutions sociales améliorent la résistance. Gene Sharp souligne ensuite que son livre repose sur le postulat qu’aucun pays n’abandonnera de façon permanente ses options militaires tant qu’elle n’accordera pas une confiance justifiée à une politique de défense par actions civiles. Le transarmement qu’il prône ne consiste pas en un désarmement, mais en l’utilisation de nouvelles formes de rapport de forces, dans le but d’augmenter l’efficacité de la défense. Ce processus doit se faire par étapes successives, testant et intégrant peu à peu dans leur défense principalement militaire des composantes de la DAC. Quatre modèles de passage à la DAC sont développés. L’adoption complète et relativement rapide de la DAC ; l’ajout de composantes civiles permanentes pour des objectifs spécifiques ; l’introduction par étapes et l’expansion progressive d’éléments de DAC en vue d’un transarmement complet ; enfin, le transarmement multilatéral. Quant aux cas particuliers des Etats-Unis et de la Russie, l’auteur montre comment ils auraient eux aussi tout intérêt à intégrer progressivement la DAC dans leur politique de défense. Il donne en outre 14 avantages offerts par la DAC que n’apportent pas les méthodes militaires. Et de conclure que le potentiel de la DAC est important, qu’il peut être profitable à tous les pays, mais que cette politique en est encore à ses premiers pas, qu’elle doit être étudiée en profondeur. Gene Sharp appelle à multiplier les efforts, à vulgariser les connaissances, les diffuser. Et si le pouvoir du peuple s’avérait être le système de défense le plus puissant et le plus sûr ?

Commentaire :

Cet ouvrage est une introduction à la théorie de la Défense par Actions Civiles. Elle a une dimension didactique qui la met à portée de tous. Le style est simple, les points essentiels sont répétés régulièrement. De nombreux exemples alimentent la réflexion théorique, l’ancrent dans la réalité et prouvent le potentiel de cette politique de défense. La démarche de l’auteur est dialectique. En lisant ce livre, on suit bien la progression du raisonnement de Gene Sharp qui démontre l’intérêt de la DAC. Il débute par l’étude historique de quelques « prototypes » et en tire les « vraies » leçons, pour finir avec une ouverture sur l’avenir et les possibilités qui s’offrent à nous à condition de bien vouloir les examiner de plus près. Entre temps, il fournit les bases méthodologiques en indiquant des axes de réflexion sur les confits présents et/ou passés, propose des typologies pour faciliter la compréhension de systèmes complexes, dissèque la notion de pouvoir qu’il désacralise pour mieux se le réapproprier.
C’est un document de référence pour une mobilisation de la société civile dans la défense des libertés et de la démocratie. Il met en valeur la puissance du pouvoir que détient toute population à partir du moment où sa détermination est ferme, et surtout si elle applique avec discipline une stratégie minutieusement préparée. L’expérience montre que de telles situations existent notamment lorsque des populations sont excédées. La dimension stratégique est alors la clé de voûte de la DAC qui doit être considérée comme un véritable combat, ce qui la différentie du pacifisme.
Par ailleurs, la politique de DAC amène à remettre en question la fatalité face à la violence qui semble être incontournable. Gene Sharp démontre point par point qu’en plus de toutes ses conséquences néfastes trop bien connues, elle s’avère moins efficace. Finalement, La guerre civilisée pousse le lecteur à remettre en question les schémas traditionnels de défense, à continuer la réflexion sur la DAC et à s’engager activement – à l’image de l’auteur – pour une société plus responsable et moins soumise.

mercredi 16 février 2011

revolution du monde arabe

Les questions sont souvent plus intéressantes que les réponses, et en tout cas plus révélatrices.

Au-delà des réjouissances plus ou moins sincères qui ont accompagné les soulèvements récents en Tunisie et en Egypte, des lignes de fracture demeurent et interdisent un consensus quant à l’interprétation à donner à de tels évènements historiques.

L’aveuglement, jusqu’à la bévue, dont ont fait preuve les responsables politiques, et singulièrement leurs services de renseignement, leurs ambassades, leur personnel des Affaires étrangères, leurs « conseillers », montre à quel point le prisme idéologique prime sur une vision réaliste de la situation. L’unique différence entre les chancelleries s’est traduite dans l’accompagnement de changements, qu’on ne pouvait plus éviter. Parce qu’il ne faut jamais insulter l’avenir, ils doivent subir un traitement aussi bien administratif que propagandiste. Ainsi a-t-on vu Obama, comme la mouche du coche, faire écho aux revendications populaires et abandonner ceux qui avaient bien servi l’Amérique, donnant de ce fait aux laquais un avant-goût de ce qui peut à terme leur arriver. La gratitude n’est pas une vertu géopolitique.

Quant aux dirigeants du reste du monde, soit ils étaient mus par leur intérêt bien compris, le danger rendant lucide, soit leur exclusion du théâtre historique les laissait muets, avant qu’ils n’entonnent un air dicté par le chef d’orchestre américain, le véritable maître de l’Occident. D’une part, Israël a manifesté son appréhension, et a pris des mesures en augmentant substantiellement son financement guerrier, d’autre part, la pauvre Europe, après un temps de retard (histoire de bien entendre la voix du Maître) a repris, pianissimo, la chanson américaine. Elle ne pouvait en effet que balancer l’encens « démocrate » etc., sans aucune espèce de vergogne, elle qui, comme presque tout le monde, avait connu son histoire d’amour avec Moubarak et Ben Ali.

Seuls les naïfs s’étonneront que ce que l’on reproche maintenant à ces régimes corrompus, antidémocrates, méprisant leurs peuples à un degré rarement atteint, était ce qu’on faisait mine de dénoncer en Iran ou en Syrie, avec force trompette et casseroles médiatiques. Il était évident que les rôles devaient être distribués en fonction des intérêts, et que l’Egypte, la Tunisie, la Jordanie, ainsi d’ailleurs que cette clique faisandée et pourrie des pieds à la tête, que l’on appelle encore l’ « Autorité palestinienne » (expression qui présente une contre vérité pour chacun de ses termes) se trouvaient obligatoirement dans le camp du Bien, c’est-à-dire dans celui d’Israël. Quant à l’Iran et la Syrie, ce sont des Etats stables, car fidèles à leur destinée historique.

Il faut laisser de côté l’argument officiel, celui d’un anti-islamisme affiché, pour expliquer le soutien dont bénéficiaient ces régimes, d’un bout à l’autre de l’arc méditerranéen. L’Arabie salafiste est tout aussi fondamentaliste que le chiisme, et soutenait farouchement un Moubarak qui, lui-même, comme la mafia qui gouverne l’Algérie ou le Maroc, instrumentalisait l’islam pour diviser le peuple et bénéficier d’une sympathie à bon compte. De même les attentats anti chrétiens, comme celui du Caire qui fit vingt et un morts dernièrement, venaient à point pour justifier la répression et le contrôle policier. Les gouvernements occidentaux n’allaient pas y regarder de si près… La fraternisation entre Chrétiens et musulmans durant les manifestations de la place Tahrir au Caire remet les choses à leur place.

La « jurisprudence » révolutionnaire apprend à la longue. On comprendra qu’un phénomène d’une telle ampleur se déploie dans la durée, et que ses conséquences ne sont pas encore apparues. Les USA font le pari d’un contrôle et d’une manipulation qui, à terme, assurera à la collaboration des nouveaux régimes une nouvelle vivacité. Les sionistes sont peut-être plus avisés, et possèdent une intelligence sans doute plus aiguë de la « rue arabe ». Ne craignent-ils pas un réveil de son orgueil, de sa fierté ? Seuls des « Identitaires » obtus et appâtés par les sirènes droitistes peuvent, en Europe, craindre le « danger islamiste ». Soyons plus humbles ! Les mouvements d’outre-méditerranée non seulement sont dignes d’admiration, pour leur courage et leur maturité (pensez donc : des Arabes !), mais ils nous montrent la voie.

wikileaks trouve un accord avec israel

Nous devons évidemment tous supporter WikiLeaks et son fondateur et porte-parole Julian Assange qui, dans cette sale guerre menée dans le monde entier par des États contre la transparence et la franchise, vient d'être arrêté en Grande-Bretagne. Mais, dans le monde de la politique, les choses ne sont malheureusement jamais aussi innocentes qu'elles n'y paraissent. Selon de nouvelles révélations, avant le dernier « câble gate, » Assange auraient conclu avec Israël un accord qui pourrait expliquer pourquoi, d’après le premier ministre israélien, les fuites « étaient bonnes pour Israël. »

Quelques commentateurs, en particulier en Turquie et Russie, se demandent pourquoi les centaines de milliers de documents confidentiels divulgués par le site le mois dernier ne contiennent rien qui puisse embarrasser le gouvernement israélien, comme à peu près tous les autres États auxquels se réfèrent les documents. La réponse semble être un accord secret, conclu entre le « cœur et âme » de Wikileaks, tel que s’est humblement décrit une fois Assange lui-même (1), et des responsables israéliens, qui assurait que tous ces documents seraient « enlevés » avant le rendu public des autres.

Selon un site Internet arabe de journalisme d’investigation (2), Assange a reçu de l'argent de sources israéliennes semi-officielles, et, lors d’un arrangement secret enregistré sur vidéo, leur a promis de ne publier aucun document pouvant nuire à la sécurité ou aux intérêts diplomatiques d'Israël.

Selon les sources de l’article d'Al-Haqiqa, dans les tout derniers mois, devant le « leadership autocratique » et le « manque de transparence » d’Assange, d'anciens volontaires de Wikileaks ont quitté l'organisation.

Lors d’une interview récente accordée au quotidien allemand Die Tageszeitung, l’ancien porte-parole de Wikileaks Daniel Domscheit-Berg a déclaré que lui et d'autres dissidents de Wikileaks s’apprêtent à lancer leur propre tribune de divulgation pour réaliser l’objectif initial de Wikileaks, de partage de fichiers sans limites. (3)

M. Domscheit-Berg, qui est sur le point de publier un livre sur sa vie « à l’intérieur de Wikileaks, » accuse Assange d’agir comme un « roi, » contre la volonté des autres membres, en passant avec des organismes médiatiques des accords qui visent à créer un effet explosif, dont les autres de Wikileaks ne savent pratiquement rien ou rien du tout. (4)

Par ailleurs, les initiés ajoutent que le vif intérêt d’Assange envers les scoops à gros titres signifie que Wikileaks n'est pas en mesure de se « restructurer » pour s’occuper de nouveaux intérêts particuliers. C’est-à-dire que de petites fuites pouvant avoir de l'intérêt pour des gens à un niveau local, sont actuellement négligées par égard aux grosses affaires. (5)

Selon les sources d’Al-Haqiqa, Assange a rencontré des responsables israéliens à Genève plus tôt cette année et a conclu le pacte secret. Le gouvernement d'Israël a semble-t-il en quelque sorte découvert ou s'attendait à ce que soient ébruités un grand nombre de documents concernant les attaques israéliennes au Liban et à Gaza, respectivement en 2006 et 2008-9. Les sources ont ajouté que ces documents, qui provenaient dit-on principalement des ambassades israéliennes de Tel-Aviv et Beyrouth, auraient été retirés et possiblement détruits par Assange, la seule personne connaissant le mot de passe permettant de les ouvrir.

Effectivement, les documents publiés semblent comporter un « vide » portant sur la période de juillet à septembre 2006, durant laquelle ont eu lieu les 33 jours de guerre au Liban. Est-il possible que, passant seulement leur temps à « jacasser » sur pratiquement toutes les autres questions moyen-orientales sans intérêt, les diplomates et responsables zuniens n'aient échangé aucun commentaire ou information sur cet événement crucial ?

À la suite de la fuite (et même avant), le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré dans une conférence de presse qu'Israël avait « pris les devants » pour limiter les dommages causés par les fuites, ajoutant qu’« aucun document israélien confidentiel n’a été révélé par Wikileaks. » (6) À la même époque, lors d’une interview pour Time magazine, présentant Netanyahu comme un héros de transparence et d'ouverture, Assange a fait son éloge ! (7)

Selon un autre article (8), un journal libanais de tendance gauche a rencontré deux fois Assange. Lui offrant « une grosse somme d'argent, » il a tenté de négocier un marché avec lui pour se procurer des documents relatifs à la guerre de 2006, en particulier le procès-verbal d'une réunion tenue à l'ambassade zunienne de Beyrouth le 24 juillet 2006. Cette réunion est largement considérée comme un « conseil de guerre » entre les parties israéliennes, zuniennes et libanaises qui ont joué un rôle dans la guerre contre le Hezbollah et ses alliés. Pourtant, les sources confirment que les documents reçus par les journalistes d’Al-Akhbar, concernant chaque jour de 2008 et d’après, ne contiennent rien de valeur. Tout cela ne fait qu’étayer les allégations d’un accord avec Israël.

Pour finir, il pourrait être utile de souligner qu’Assange a pu faire ce qu'il dit avoir fait pour se protéger et assurer la divulgation des documents de manière à dénoncer l'hypocrisie zunienne, dont il se dit obsédé, « aux dépens d’objectifs plus fondamentaux. »

Traduction copyleft de Pétrus Lombard

FOIBE : NOUS on oublies pas!

AMBASSADE ITALIENNE DE BRUXELLES
Au sens classique, ce concept, d'origine typiquement européenne, rend compte de la mise en forme politique d'un peuple, c'est-à-dire de la prise de conscience par celui-ci de son identité et de ses intérêts propres, laquelle lui insuffle la volonté d'assurer son destin particulier dans l'universel. Au stade achevé, la nation est un peuple, une partie d'un peuple ou un ensemble de peuples, historiquement parvenu à la constitution d'un État propre.
La nation aujourd'hui, inséparable du principe d'État-nation, est pour nous un phénomène essentiellement négatif. Et cela pour plusieurs raisons. D'abord parce que les nations se sont créées sur les ruines de l'Empire et se sont maintenues en s'opposant systématiquement à l'idée impériale. C'est là un point sur lequel on n'insistera jamais assez : l'Empire précède les nations et, partant, la légitimité suprême lui appartient. Cette légitimité transcende les légalités transitoires des États-nations car seul l'Empire a la puissance nécessaire pour garantir l'avenir de la communauté de peuples qu'il organise. Les nations, précisément parce qu'elles créent des États ou cherchent à en créer, au détriment de l'Empire, constituent un principe de dissolution et organisent la sécession permanente.
Le processus s'est enclenché lors de l'affrontement de l'Empire romain et des peuples culturellement et politiquement attardés du Nord. La grande chance de l'Europe eût été alors la féconde intégration de ces peuples dans l'organisme impérial. Il n'en a, hélas, rien été. L'échec de la conquête romaine en direction de la Baltique, impressionnant par son ampleur et ses conséquences incalculables, a entraîné un face à face séculaire qui, on le sait, s'est achevé par la rupture de l'équilibre dans le sens le plus défavorable : nord-sud, barbarisation de l'Empire et non pas sud-nord, c'est-à-dire romanisation des barbares. Entretemps, un phénomène capital s'était pourtant produit : rebelles à l'intégration, les barbares, spécialement les Germains, n'en avaient pas moins été confrontés au rayonnement culturel et politique de l'Empire, et ce sont ces influences qui furent à l'origine d'un type d'organisation plus développé et plus efficace des peuples germaniques dans leur lutte malheureuse — pour l'Europe et pour leurs propres descendants — contre l'Empire. Ainsi les Grandes invasions furent-elles le fait non plus de clans ou de tribus mal organisés mais de puissantes confédérations qui n'étaient que l'adaptation, au niveau culturel des peuples concernés, du modèle de la vaste fédération impériale. Insistons bien sur ce fait : il n'y eut pas une mais plusieurs confédérations (Saxons, Francs, Alamans, Goths...) car jamais les Germains, pas plus que les Celtes, n'accédèrent à la claire conscience de leur identité ethnique et moins encore n'imaginèrent une quelconque unité "nationale". De la sorte, plus tard, quand les envahisseurs s'installèrent en vainqueurs sur le sol impérial, il y transplantèrent leur conscience ethnique et leur organisation politique, faisant même souvent disparaître jusqu'au nom des provinces qu'ils occupaient pour le remplacer par le leur. Ainsi, la Bretagne devint l'Angleterre et l'Italie faillit dans sa totalité devenir la Lombardie. Quant aux Gaules, elles cessèrent d'être le fleuron des terres d'Empire pour devenir cette chose dérisoire et barbare qu'on appela "Francia". Depuis lors, le problème majeur de l'Europe est celui de "l'Empire éclaté", effet néfaste de ce "germanisme politique", qui fut assez fort pour contribuer à abattre l'impérium romanum ("la plus grandiose forme d'organisation jamais atteinte dans des conditions difficiles", Nietzsche), mais qui resta incapable, malgré la très honorable tentative carolingienne, de restaurer l'unité perdue, dans un monde miné par le christianisme et voué désormais à la balkanisation "nationaliste" et à la guerre civile permanente.
Si maintenant on évoque le cas de l'Empire chinois, qui constitue l'autre grand pôle historique de l'Ancien Monde, la comparaison de révèle tout à fait défavorable à l'Europe. En effet, bien qu'elle ait connu des péripéties très semblables, avec invasions et partitions, la Chine a toujours su préserver ou restaurer son unité, et cela malgré une diversité et un polyethnisme très comparable à celui de l'Europe. Cet ajout, joint à celui d'une natalité dynamique, assure à la Chine des perspectives plus encourageantes pour le siècle à venir, ce qui n'est pas le cas de l'Europe, démographiquement déclinante, occupée et divisée en même temps que matériellement et mentalement balkanisée par sa structure multinationale.
De nos jours, la Nation-État, conçue comme une monade irréductible, est une forme périmée. Ses dimensions trop réduites la rendent incapable d'assurer l'indépendance et l'avenir des peuples qu'elle enserre, mais la rendent encore capable d'agir en tant que force centrifuge à l'intérieur d'une formation telle que l'Europe politique. Alors que le foisonnement des revendications enflamme les peuples de par le monde, la solution impériale apparaît comme la seule susceptible de préserver la puissance et donc la capacité d'agir sur le destin. Ceci d'autant plus que les idéologies dominantes ont aussi conçu la nation comme échelon d'une société mondiale, comme "département" d'une planète politiquement rationalisée. Aujourd'hui, le système occidental est fondé sur cette idéologie des nations, qui s'oppose à celle de l'Empire, et qui neutralise les peuples en les normalisant dans des nations "égales" qui ne sont plus, à la limite, que des coquilles vides, des cadres dépourvus de sens historique.
Petit Lexique du partisan européen