jeudi 24 février 2011

interview a Adinolfi

Gabriele Adinolfi est une des figures intellectuelles non conformistes italiennes les plus en vue. Ce militant national- révolutionnaire très influencé par Julius Évola a été contraint à l’exil en France pendant vingt ans. On lui doit deux ouvrages remarqués ces derniers temps, « Nos belles années de plomb » en 2004 et « Pensées Corsaires, abécédaire de lutte et de victoire » en 2008. Plus que jamais en pointe du combat en Italie, il a accepté de répondre à quelques-unes de nos questions.
RIVAROL : En premier lieu M. Adinolfi, vous qui êtes un militant de grande expérience et qui avez fait de nombreux sacrifices pour l’idéal fasciste, pouvez-vous nous dire comment vous voyez le futur de l’Italie et celui de sa jeunesse ?
GABRIELE ADINOLFI : Très négatif. L’Italie est un pays vieillissant dont le taux de natalité est le plus bas à l’échelle mondiale, il n’a presque plus d’industrie, un secteur agricole restreint et une souveraineté très limitée. Les seuls éléments qui sauvent actuellement l’Italie de la ruine se trouvent dans l’appareil énergétique national notamment l’ENI), dans l’industrie d’armement, dans la petite entreprise et dans ce qui reste de l’épargne familiale.
Dans le contexte actuel de globalisation, cela nous donne quelques années à peine de survie si les données ne changent pas radicalement.

R. : Quelle place peut occuper le fascisme dans le futur italien ?
G. A. : C’est un paradoxe. Le fascisme encore aujourd’hui présente toutes les réponses aux problèmes actuels. On peut dire de lui que c’est le seul système de pensée et d’organisation qui possède les solutions aux grands défis contemporains. Mais il ne parvient toujours pas à se mettre en place dans la conjoncture présente. Les Italiens qui ont connu le fascisme réel au quotidien continuent d’apprécier et même d’aimer l’oeuvre de Mussolini, ayant joui de tous ses bienfaits sociaux, économiques, éthiques et culturels. À la différence notable de ceux qui n’en ont connu que la légende noire, à l’instar des Français qui ne l’ont jamais expérimenté (Vichy procédant de circonstances aussi inattendues que défavorables et n’incarnant de toute façon pas un projet fasciste). Cette nostalgie grandit de jour en jour par la simple comparaison de l’Italie mussolinienne avec l’Italie antifasciste d’abord et post-fasciste après. Cependant il manque toutes les conditions objectives pour la fondation d’un Etat-Nation d’inspiration fasciste, donc le fascisme malheureusement en l’état actuel des choses ne pourra pas se proposer. Il est possible cependant d’extraire du fascisme toute une série de solutions aux problèmes qui nous écrasent. Disons que si un certain nombre de conditions sont remplies, on peut espérer dans le futur italien une formule mixte, une forme de péronisme à l’italienne.

R. : En quoi consiste votre action aujourd’hui ?
G. A. : J’analyse, je commente, je propose, j’écris. Je dirige un quotidien en ligne , je donne des conférences, je tiens des débats avec des personnes de toutes les sensibilités, je participe avec le Soccorso Sociale à des interventions concrètes concernant les droits des plus faibles, je coordonne un Centre d’Études, Polaris, qui publie une revue trimestrielle, qui a déjà produit une série de travaux d’analyse, qui organise des rencontres publiques avec des représentants de la culture et des institutions locales ou internationales. Je ne refuse jamais de participer, dans un cadre plus militant, à la formation intellectuelle et à la formation éthique. Je suis avec une attention et une participation particulière la Casa Pound. Je garde aussi des relations internationales, toujours dans l’esprit du renouveau et de la « révolution culturelle », très attentif à neutraliser les lieux communs engendrés par le discours antifasciste dont l’effet néfaste influence l’historiographie et l’idéologie de l’ère post-fasciste.

R. : Comment jugez-vous le rôle du Vatican et plus largement de l’Église dans la vie italienne ?
G. A. : Cela fait dix-sept siècles, mis à part la parenthèse avignonnaise, que l’Italie doit cohabiter avec l’Église, ce qui a produit les guerres civiles entre guelfes et gibelins d’abord, ce qui a longtemps empêché l’unité italienne ensuite, et ce qui a contribué à l’internationalisation de la politique italienne après 1945. Aujourd’hui, la religion catholique a beaucoup moins d’influence dans les moeurs quotidiennes mais elle garde un certain pouvoir d’ensemble, comme le démontre la majorité absolue acquise au Parlement sur la loi contre l’euthanasie. L’Église conciliaire, il y a un an, a aussi lancé une croisade contre le gouvernement Berlusconi à cause de sa politique de frein à l’immigration.
Le Vatican soutient l’immigration, pour des raisons idéologiques ainsi que pour des raisons économiques. “Migrantes”, organisation ecclésiastique de la “Caritas”, qui soutient officiellement que « le mélange des cultures est une ressource » utilise et investit dans l’immigration la moitié de l’argent destiné au Vatican par les impositions des citoyens italiens. Le bras de fer entre le Vatican et le gouvernement italien, qui selon les estimations en 2010 aurait bloqué 400 000 immigrés, s’est soldé par un compromis qui a obligé l’Italie à faire entrer, début 2011, presque cent mille nouveaux immigrés. Le Vatican semble avoir remporté la victoire, ce qui va faire tomber les obstacles aux débarquements d’étrangers.

R. : Ressentez-vous la dynamique fasciste italienne comme un phénomène marginal en Europe ?
G. A. : Plutôt comme un phénomène très typique et très italien. Quant à la mouvance sociologique et aux impulsions idéologiques qui la caractérisent, je pense que c’est l’Europe occidentale et non l’Europe qui est complètement en décalage par rapport à la dynamique italienne. Les raisons sont multiples mais les fautes des nationalistes occidentaux ne sont pas secondaires. Il faut bien dire que les nationalistes occidentaux, marginalisés politiquement suite à des rapports de force intenables, ont souvent été l’incarnation de la marginalisation, en assumant tous les complexes des marginaux et des ratés, et ont couvert leur impuissance politique derrière le fumigène de la langue de bois et des stéréotypes les plus obtus. Cela les éloigne de la réalité et en fait souvent l’incarnation même de la caricature de la bête noire faite par les antifascistes. Une bête noire qui souvent est plus bête que noire du reste…

R. : Quel est pour vous la menace principale pour le monde européen ?
G. A. : Le monde européen lui-même. La vieillesse de l’Europe, son agonie spirituelle, psychologique et biologique, sa dénatalité mariée aux complexes de culpabilisation, à l’idôlatrie de la conception bourgeoise des « droits acquis », l’absence de volonté de puissance et d’esprit de conquête ; ce sont les éléments qui nous condamnent. Ensuite c’est le renoncement à notre production économique et à notre défense armée, le refus de l’esprit de guerre, qui nous condamnent. Ces effets en partie ont été imposés par les vainqueurs de l’Europe, c’est-à-dire du géant multinational qui fonde son pouvoir mondial sur l’alliance entre finance et crime organisé et qui a pour capitale, encore aujourd’hui, New York et pour succursale Washington. Le reste, tout le reste, ne sont que conséquences. L’immigration massive, le multiculturalisme viennent de là et, souvent, s’en nourrissent. Quoi qu’on en pense, on n’obtiendra aucune solution si l’on ne retrouve pas notre énergie vitale et si l’on ne s’éloigne pas du vainqueur de l’Europe. Ceux qui pensent résoudre nos problèmes à l’inverse, c’est-à-dire du bas vers le haut, s’égarent. L’idée de contrer l’immigration par une stricte « guerre de religion », soutenue par la chaîne CNN mais que ni le Vatican ni la plupart des musulmans ne désirent mener, est une véritable manipulation.
Essayer de se ressouder sur une « défense de l’Occident », d’un bien large Occident allant de Londres à New York, de Washington à Tel Aviv, est tout simplement grotesque.
Il suffit de regarder qui soutient les États narco-mafieux musulmans en Europe tels que la Bosnie et le Kossovo (Etats-Unis et Israël), qui a crée Al Qaida (Etats- Unis), qui a soutenu le Hamas et déstabilisé l’unité palestinienne (Israël), pour comprendre que ceux qui espèrent dans une “reconquête” WASP et “judéo-chrétienne”, selon un néologisme en vogue, font fausse route. Ou mieux encore, ont tout faux. Au demeurant ils sont dans une impasse.

R. : Les marxistes ont souvent accusé le fascisme de ne pas s’opposer au capitalisme. Que pensez-vous d’une telle affirmation ?
G. A. : C’est de l’ignorance pure et/ou de la propagande. Il suffirait de rappeler que le capitalisme a déclaré et mené une guerre mondiale contre le fascisme alors qu’il s’est toujours arrangé avec tout gouvernement issu du marxisme. Cela ne vaut même pas la peine d’un débat.

R. : L’expérience mussolinienne a abouti à l’étatisation totale de l’Italie sur le modèle jacobin. Qu’en pensezvous ? Quel rôle aimeriez-vous accorder à l’État ?
G. A. : Il faut distinguer toujours la réalité de la propagande. L’État italien était autoritaire et écrasant avant Mussolini. Le Duce lui a donné une impulsion totalitaire mais en favorisant en même temps l’initiative et la liberté des individus, des familles et des corps sociaux. Je ne vois pas d’autres formules pour ressouder, unifier, renforcer une communauté de destin et sauvegarder de l’autre côté toute liberté de vie. Aujourd’hui ce qui se passe c’est l’inverse. Les institutions détruisent les familles et les corps sociaux, imposent tout, sur le plan culturel, idéologique, financier, économique, moral et même gastronomique. Nous vivons dans une civilisation qui prohibe tout avec les ghettos fumeurs et la culpabilisation des carnivores, des buveurs d’alcool et des coureurs de femmes. C’est le Grand Chicago des gangsters. Je ne peux accorder aucun rôle à l’État pour les raisons que nous évoquions au début : il n’a plus aucune autorité concrète, ni législative, ni économique ni, et plus encore, militaire.
Il faut avant tout une renaissance éthique, spirituelle et biologique et pour une longue période, tout en essayant de former les nouvelles élites, il faudra se battre pour les autonomies qui pourront pallier les abdications de l’État. Sans jamais oublier que le but final est la reconstitution de l’État.

R. : Comment percevez-vous la vie intellectuelle et politique française contemporaine ?
G. A. : La France a toujours été une étoile polaire sur le plan intellectuel. Pourtant j’ai l’impression qu’aujourd’hui elle est dans une impasse. Il faut aussi dire qu’à la différence de l’Italie, qui est une colonie depuis soixante-six ans, la France a joué pendant des décennies un rôle dans le monde. Son abdication géopolitique rapide en Afrique, son abdication civilisationnelle, graduelle mais accélérée, dans l’Hexagone même, bien que compensées par des intérêts boursiers et par des participations aux trafics les plus obscurs de l’Amérique Latine desquels la France n’avait jamais profité avant, ont dépossédé d’un coup les Français de tout optimisme en cette première décennie du siècle. Ne serait-ce que sur le seul plan économique.
Chiffres en main, bien que plus riches en salaire, les Français ont payé beaucoup plus que nous autres Italiens la crise économique mondiale déclenchée par la finance.
Par ailleurs la culture française est en recul, y compris dans les écoles de l’Hexagone où la langue est devenue un succédané pour tout nain inculte et un bien rare et précieux chez les moins de 45 ans. En dehors de quelques millionnaires francocosmopolites, personne n’a de raisons d’être enthousiaste vis-à-vis de la situation que connaît la France actuellement. Et, en l’absence d’une culture et d’une philosophie — qui ont été démantelées scientifiquement par des professeurs imbus de psychopathies gauchisantes — il est même difficile de trouver un dépassement du désespoir dans le monde de l’art. Ni joyeux ni tragiques, les Français se sentent confinés aujourd’hui dans la détresse. Un peu comme les Américains qu’ils se sont pris à imiter depuis un quart de siècle. Et comme les citoyens américains subissent et ne partagent pas les conquêtes des oligarchies qui les gouvernent, les citoyens français font de même par rapport à leurs princes vivant dans une autre dimension faite d’abstractions. Le but à atteindre pour se forger un futur est bien celui de ne pas voir ce processus de dépossession s’étendre à toute l’Europe. Il faut, pour cela, vouloir et savoir. La volonté et la connaissance : ceux contre qui la machine infernale à broyer la civilisation emploie tous ses moyens. Le défi est grand mais la volonté peut l’être davantage. Et si elle se nourrit de connaissance rien n’est joué définitivement. Rien.

Propos recueillis par Yann KERMADEC pour « RIVAROL ».

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